LES ANNAMITES

Le Tonkin et la mère Patrie

Annamite de garde au Trocadéro en 1916

Après avoir débarqué à Da Nang, en 1858, les Français ont fondé la colonie de Cochinchine en 1865 et établi un protectorat sur le Tonkin en 1884. La République de Ferry a intensifié l’exploitation coloniale entamée sous le Second Empire, assemblant un immense empire au sein duquel la péninsule indochinoise faisait figure de joyau. Les combats de la Première Guerre mondiale ont peu touché l’Extrême-Orient, aux richesses convoitées par l’ensemble des puissances coloniales. Mais le recrutement traditionnel de supplétifs, la nécessité de remplacer les nombreux soldats tombés au début du conflit, la volonté de développer le patriotisme parmi la population indigène, conduisent les métropoles à puiser dans le vivier colonial. En quatre années de guerre, la France a ainsi fait venir d’Indochine 43430 tirailleurs annamites (centre de l’actuel Vietnam) et tonkinois (nord), mobilisés surtout dans des bataillons d’étape chargés de l’aménagement et du transport ; 1123 sont morts au champ d’honneur. En outre, 48981 travailleurs indochinois ont été envoyés aux usines françaises pour remplacer les ouvriers partis au front.

Charpentier annamite rencontré à Couvrelles en septembre 1917

Selon les stéréotypes raciaux en vigueur dans l’armée, les Indochinois, censément plus rusés que les autres indigènes, sont flegmatiques et donc faits pour la défensive plus que pour l’offensive. Leur apparence frêle dissimule une belle résistance à la fatigue, signe de leur courage. Cela dit, les Asiatiques ont été utilisés comme manœuvres plutôt que comme combattants. Leurs bataillons d’étapes ont été chargés de la tâche stratégique, mais peu valorisante, de combler de cailloux les ornières de la route qui relie Bar-le Duc à Verdun, la future « Voie sacrée ». Aucun régiment indochinois n’a été créé, l’encadrement des unités où ils étaient versés séparément les connaissait mal et hésitait à les engager en première ligne. Mais leur comportement au chemin des Dames, en Alsace et à Salonique a démenti ce manque de confiance. Après la guerre, le sacrifice consenti a suscité chez eux un désir de reconnaissance et d’émancipation.

Auteur : Alexandre Sumpf