Pour le salon de 1892, Julien Le Blant reprend un sujet qu’il avait déjà traité quelques années auparavant, en 1888, dans ses illustrations pour les Cahiers du Capitaine Coignet : Le Retour du Régiment. Les soldats de Coignet sont rangés devant la statue équestre de Louis XIV sur la place Bellecour à Lyon. A leur retour d’Italie, les vainqueurs de Marengo avec leurs costumes déchirés ou rapiécés sont la risée d’un groupe d’élégants.
Dans le tableau le décor change. Le régiment est à Paris ! Quelques dames élégantes et des enfants moqueurs viennent compléter la scène. Ce tableau de 96 centimètres par 58 sera offert en 1896 au musée de Mulhouse par M. Henri Schwartz fils. Il va disparaitre lors du bombardement du musée le 3 août 1944.
Ce tableau sera envoyé à Chicago en 1893 pour représenter la France lors de la Chicago World’s Fair, qui va durer du 1er mai au 3 octobre et accueillir plus de 17 millions de visiteurs. Le catalogue officiel est élogieux dans son chapitre consacré à l’art de la France:
« Grolleron et Le Blant sont du meilleur goût, bien qu’ils aient une approche différente de leur sujet. L’aîné restitue sérieusement et avec une composition bien sentie un incident dramatique. Il le fait sobrement et d’une facture meilleure que d’habitude. Le plus jeune apporte une touche de sarcasme et d’humour. Son Retour du Régiment de l’armée héroïque de Sambre-et-Meuse nous présente un féroce bataillon crasseux et loqueteux, prêt pour une inspection sur la place publique. Il est oisivement passé en revue par une foule dédaigneuse de dandys vêtus au dernier cri de la mode où chacun semble plus ridicule que son voisin. Les guerriers sont sombres et froncent les sourcils face à ces regards narquois. Des signes d’énervement se font sentir chez l’une ou l’autre des plus vieilles moustaches. » (Official Catalog of World’s Columbia Exhibition, Chicago 1893)
« Ce qui plaît d’ailleurs chez Julien Le Blant, ce qui est le charme de sa peinture, la force de son talent, la grâce de son tempérament actif, primesautier, intelligent de tout, profond aussi et pensif, vibrant de toutes les émotions modernes et singulièrement compréhensif des choses d’autrefois, ce qui est la santé même de cette personnalité solide et élégante à la fois, c’est la facilité dans l’exécution, le brio et l’entrain bien portant. Rien de pénible ici. On sent que le peintre a cette vertu qui prime toutes les autres, Ie don. Il est né peintre, disais-je, et n’a jamais eu à peiner pour être peintre. L’inspiration lui jaillit en même temps des doigts et du cerveau. II ne halète point devant sa toile. II enlève son tableau avec l’alacrité joyeuse de ses soldats courant à la baïonnette. Saluez tout ce qui, en art, est facile et semble enfanté dans le plaisir. Les œuvres faciles ont le sourire et le charme comme les femmes jolies. » (Salon des Aquarellistes 1893)