En peinture, un petit maître est un peintre qui n’a pas la notoriété des peintres reconnus et recherchés, bien qu’ayant potentiellement contribué dans l’ombre à l’histoire de l’art. Il s’est souvent exprimé à travers des œuvres exécutées au crayon, à l’aquarelle ou à l’huile, représentant des paysages, des scènes de genre ou des personnages.
Julien Le Blant correspond bien à ce profil. Artiste aujourd’hui oublié, il fut pourtant reconnu comme un peintre d’histoire et illustrateur important à la fin du 19e siècle. Spécialiste des chouans, des guerres de Vendée et du 1er Empire, il a été plusieurs fois médaillé dans les Salons et les expositions majeures de son époque. En plus des très nombreux tableaux et dessins d’illustrations, il va réaliser, lors de la grande guerre, plus de cinq cents dessins, gravures et aquarelles de poilus ignorés à ce jour. Il nous laisse une œuvre humaniste où l’on rencontre les soldats en permission d’un réalisme bien éloigné des images de propagande.
Ces poilus épuisés physiquement et moralement, errant aux alentours de la Gare de l’Est, Julien Le Blant les a rencontrés et observés avant de les fixer à jamais sur les pages de ses carnets. Bien souvent, il a noté leur nom, leur provenance et leur métier. Rares sont les artistes qui ont essayé de montrer que la guerre ne couchait pas des pièces numérotées sur un jeu d’échecs, mais des êtres humains. On dit souvent qu’un artiste « immortalise » son sujet. C’est le seul moyen qu’a trouvé Julien Le Blant pour empêcher ces jeunes appelés d’aller se faire enterrer et oublier à jamais dans la boue de Verdun. Grâce à lui, l’expression n’a jamais été aussi vraie. Ses poilus sont à jamais « immortels ».
Dominique Formaz – tous droits réservés