Pierre de Champfeu
Pierre de Champfeu est né le 22 juin 1894. Il est le fils du comte Léon de Champfeu officier de marine à Cherbourg. Sa maman est une De Nanteuil.
Sous-lieutenant de cavalerie, il passe, sous sa demande, au 4e régiment de marche des Zouaves. Le 23 octobre 1917, il participe à l’attaque du fort de Malmaison. Grièvement blessé à la cuisse, il meurt le 14 décembre 1917 à l’hôpital militaire de Paris, d’un tétanos consécutif à l’amputation.
Le 4e Zouaves
Le 4e régiment de zouaves (4e RZ) était un régiment d’infanterie appartenant à l’Armée d’Afrique qui dépendait de l’armée de terre française. Au début, les zouaves étaient surtout algériens. Ensuite des soldats de toute la France sont venus les rejoindre et porter fièrement la Chéchia, ce bonnet en forme de calotte de couleur rouge vermillon. Les soldats de cette unité se sont particulièrement distingués durant les rudes batailles d’Ypres, de Verdun ou du Chemin des Dames. Le régiment a reçu de nombreuses citations ainsi que la fameuse fourragère rouge.
La fourragère est une décoration récompensant une unité militaire pour faits de guerre ou de bravoure exemplaires. Il s’agit d’une cordelette tressée qui se porte à l’épaule gauche de l’uniforme. L’une des extrémités de la tresse a la forme d’un trèfle et l’autre porte un ferret, une pièce métallique conique. La fourragère peut être de différentes couleurs en fonction du nombre de fois où l’unité a été citée pour faits exceptionnels. Par exemple, la rouge, aux couleurs de la Légion d’honneur et de la croix de guerre 1914-1918, est portée par les unités citées une dizaine de fois pour actes de bravoure.
Au moment au Julien Le Blant est invité à les rencontrer, en février 1918, le régiment est sous les ordres du commandant Giraud.
Le 23 octobre 1917, le 4e régiment de zouaves participe à l’assaut du fort de Malmaison. Le lieutenant Pierre de Champfeu conduit un groupe de mitrailleurs.
Le lieutenant de Champfeu vient de la cavalerie : il est tout feu tout flamme, et si bon qu’on l’adore. Il a rejoint le régiment en avril, pour l’offensive sur l’Aisne. Une scène digne d’être transcrite a marqué son arrivée. Il se présente au colonel Richaud : « Vous arrivez plus tôt que je ne vous attendais, lui dit celui-ci. Nous attaquons demain, les postes sont au complet, vous rallierez le dépôt divisionnaire, à la première vacance, je vous appellerai. – Vous attaquez demain, et je rallierai le dépôt divisionnaire ? Mon colonel, je suis d’une famille de soldats. Regardez-moi : c’est vrai, je suis un inconnu pour vous, mais regardez-moi. Et ne me demandez pas une chose pareille. » Il faut bien se rendre à ses raisons et le colonel le garde. Champfeu exulte, car on va se battre.
[…] Champfeu vit la victoire. Il devait installer sa section de mitrailleuses en avant et à l’est du fort. Il l’installa. C’est alors qu’il fut criblé d’éclats d’obus, la cuisse traversée, la tête meurtrie. Une jambe amputée, il reçut sur son lit d’hôpital la croix de la Légion d’Honneur : « Admirable tempérament de soldat, donnant à tout le régiment l’exemple des plus belles qualités françaises ; à l’assaut du fort de la Malmaison, a conduit sa section de mitrailleuses avec sa fougue habituelle, l’a mise en batterie au point fixé et est tombé en pleine victoire. »
[…] Champfeu survécut cinquante jours à son amputation, puis la mort le pris.
(Lectures pour Tous, 15 mars 1918.)
Le 9 février 1918, son père, le comte de Champfeu, écrit à son ami Le Blant pour lui demander d’intercéder auprès du peintre Guiguet pour la réalisation d’un portrait de son fils.
[…] Je fais faire le portrait de mon fils, soldat glorieux, pour perpétuer son souvenir parmi ceux qui viendront après nous ; certes ! C’est bien certain, mais je le fais aussi pour avoir la jouissance et je ne voudrais pas mourir avec la seule satisfaction de penser que ma succession le possèdera, ce ne serait pas assez ! […]
[…] Je m’arrangerai pour faire parvenir à Lyon les décorations et la chéchia, le ceinturon, tout cela tiendra dans un petit carton et pourra être remis à M. Guiguet. Une petite photo que j’enverrai plus tard indiquera comment mon fils portait la chéchia et sa fourragère, tous ces petits détails qui auront leur importance pour mon cœur paternel brisé.
Julien Le Blant écrit le même jour à Guiguet (Paris, 9 février 1918)
[…] Vous vous souvenez sans doute d’un jeune zouave qui a été tué et dont je vous avais parlé. Son père en venant m’annoncer sa mort m’avait dit : « Je voudrais un portrait de mon pauvre Pierre par votre ami Guiguet. Il est revenu et il le veut. […]
[…] Oui, ce pauvre petit (car je relis la lettre du père) m’appelait son oncle. Je l’avais retrouvé sur l’Aisne et, à l’Etat-Major, on l’appelait mon neveu. Je l’ai quitté le 23 septembre et le 23 octobre il avait la cuisse arrachée. Je l’aimais beaucoup. […]
[…] Je vous envoie sa lettre et la photo qu’on pourra vous donner ; cette photo est excessivement ressemblante et je trouve la pose très bonne, son père aussi. Il s’agira de le faire en zouave au lieu de ce costume de chasseur. On vous donnera une petite photo en officier de zouave. Elle n’est pas bonne mais on voit comment il porte sa chéchia. […]
[…] Je lui ai dit, je vais demander à Guiguet un beau dessin comme il sait si bien les faire. Il se servira de la photo comme mouvement et comme coupe. Le dessin aura 45 centimètres de hauteur, ce qui ferait la photo agrandie trois fois environ. […]
[…] Je dois vous dire que c’est une famille de soldats. Il y a des portraits de Champfeu chez eux depuis Louis XIV et mon ami, qui est ancien officier de marine, veut que Pierre soit avec ses ancêtres morts pour la France.
[…] Je pars lundi pour Soissons. […] Je vais me trouver dans un centre d’américains.
Il paraitra dans les Lectures pour Tous du 15 mars prochain un article d’H. Bordeaux sur l’affaire de la Malmaison par les 4e zouaves où il est question de Pierre de Champfeu qui y fut si grièvement blessé. […]
Lettre de Le Blant à Guiguet, Paris, 17 février 1918 :
[…] Il veut que sur le portrait de Pierre de Champfeu, il y ait sa croix de la Légion d’Honneur, sa croix de Guerre avec ses citations […]
Lettre de Le Blant à Guiguet, Paris, 7 avril 1918
[…] Nous avons vu jeudi notre ami de Champfeu, il fait peine à voir ; il est malade et triste comme la mort : son autre fils est avec son bataillon là où l’on se bat, sa fille est gravement malade. C’est abominable. Il m’a demandé si je savais quelque chose de vous. Il ne pense qu’à ce portrait […]
Lettre de Le Blant à Guiguet, Paris, sans date
[…] Il est assis devant le portrait et pleure comme un enfant […]
Comte de Champfeu à Guiguet , Paris, 7 mai 1918 :
[…] Votre envoi est arrivé…Merci ! Oh oui, merci de tout mon cœur brisé mais heureux d’avoir ce souvenir de mon cher enfant, souvenir admirable, c’est encore plus ressemblant que la photographie et c’est bien vrai ! c’est vivant ! Je me permets de vous dire que je n’ai jamais vu depuis les maîtres de la fin du 18ème siècle, de dessins en couleur comme les vôtres. Les ombres sont de pures merveilles. Ah ! il n’y a pas à y retoucher, il n’y a pas à pousser davantage, votre œuvre, elle est au point telle qu’elle est, elle est parfaite. Je veux espérer encore que mon second fils qui aimait tant son aîné, la verra et que nous le reverrons lui ! Nous n’avons pas encore de nouvelles, hélas ! […]
Lettre de Le Blant annonçant à Guiguet la mort de Jacques de Champfeu, Paris, mai 1918 :
[…] Mon cher Ami, le malheur s’acharne sur mon ami de Champfeu. Son second fils est tombé le 26 mars […]
Comte de Champfeu à Guiguet, Paris, 23 février 1919
[…] Votre lettre du 20 février me confirmant dans les termes les plus affectueux ce que vous avez écrit à Le Blant concernant votre acceptation du portrait de mon second fils, m’a bien touché. Votre retard à me répondre est tout pardonné […]
Le comte Léon de Champfeu
Léon de Champfeu est né le 21 mai 1848 à Moulins dans l’Allier. Il entre dans la Marine en 1864 au port Cherbourg. Il est nommé aspirant le 2 octobre 1867, puis enseigne de vaisseau le 2 octobre 1872. Au 1er janvier 1879, sur le croiseur « Kerguelen », Division navale des mers de Chine et du Japon sous les ordres du commandant Etienne Mathieu. Il nommé au poste de lieutenant de vaisseau le 1er mai 1880.
Il est stationné à Cherbourg entre janvier 1881 et décembre 1884. C’est très certainement lors de la visite de Julien Le Blant au port de Cherbourg en 1884 qu’il fait sa connaissance. En 1885 et 1886, il navigue sur le croiseur « Fore », division navale de l’Atlantique Nord sous le commandement d’Henri D’Abel de Libran.
Il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur le 8 juillet 1885. Entre 1889 et 1899, il occupe le poste de Capitaine d’habillement, d’armement et de casernement au 1er Dépôt des Équipages de la Flotte à Cherbourg. Il est élevé au titre d’Officier de la Légion d’Honneur le 11 juillet 1899.
Versé dans la réserve le 9 octobre 1899, port Cherbourg, il décède le 3 septembre 1926 à Versailles.