LE COURRIER DES BLEUS

Huile sur toile 147,3 x 221 cm (1882) – Vente Sotheby’s New-York 13 oct. 1993 sous le titre : Highway Robbery – Localisation actuelle inconnue

Sujet :

Pour le Salon de 1882, Julien Le Blant, qui a déjà été trois fois médaillé, doit exposer hors-concours. Il choisit un sujet que Goya avait déjà traité à son époque : une attaque de diligence. Le Courrier des Bleus, est une scène dramatique, et sans doute imaginaire, qui a une fois encore pour cadre les guerres de Vendée. Ce sujet prouve que l’artiste, que l’on considère parfois comme l’apôtre de la contre-révolution, ne présente pas systématiquement les chouans et Vendéens comme d’innocentes victimes de la répression gouvernementale. Dans ce tableau, ce sont eux qui agressent violemment un véhicule républicain et ses passagers. La presse signale aussi que ce sujet sensible, amené par lui au Salon, est en train de faire des émules.

« Les chouans de M. Julien Le Blant commencent à former un bataillon. M. Le Blant a ses pasticheurs. C’est par aventure, ou plutôt par goût, en voyageant à travers les landes, sur les grèves, que ce jeune homme, un des nouveaux-venus les plus talentueux a évoqué les silhouettes de ces gars aux longs cheveux et aux larges braies, pittoresques et singuliers… […] Aussi, les blancs et les bleus pullulent depuis que M. Le Blant les a remis à la mode ! Je compterais jusqu’à dix scènes vendéennes au Salon.» (Le Temps)

Le vrai peintre des chouans, c’est M. Le Blant. Celui-là ne mêle pas la sentimentalité à la tragédie. Son Courrier des bleus atteint au dernier effet de l’horreur. Sur une route poudreuse qui traverse la lande, une embuscade a été dressée ; les chouans ont arrêté la voiture. Au bord du fossé, un gendarme, qui s’est bravement défendu, gît étendu, sur le ventre, le crâne troué ; près du cadavre, les blancs fouillent hâtivement la valise contenant les dépêches. Plus en avant, trois bandits assomment à coups de crosses de pistolets, le malheureux conducteur, qui se débat en leur demandant grâce et qui soulève la poussière par ses convulsions désespérées. Et dans cette solitude, pas un être qui ne soit victime ou bourreau, sauf le cheval du cabriolet, qui regarde avec indifférence cette effroyable scène de meurtre. (Revue des Deux Mondes tome 51-1882)

Le Courrier des Bleus, assassiné, assommé par des chouans, déguisés en jacobins, avec le bonnet phrygien, pour donner confiance à l’officier républicain, traîné hors de sa carriole, est une toile étonnante de mouvement et de vérité. (Le Temps du 19 mai)

Si certaines critiques trouvent l’œuvre d’une facture supérieure à ses dernières réalisations d’autres sont plus réservées, comme le Courrier de l’Art qui le trouve trois fois trop grand et d’une exécution veule. L’Illustration trouve le décor à son goût : Enfin, avec le Courrier des bleus de M. Le Blant, nous entrons en plein drame : il y a quelque chose de poignant rien que dans l’aspect du paysage où se passe la scène, et c’est toute l’histoire de la guerre que cette arrestation d’un courrier, et ce massacre impitoyable au milieu du silence lugubre de la lande désolée.

Le dictionnaire Veron est conquis : « Le Courrier des bleus » est attaqué par quelques chouans qui fouillent dans les malles et caisses éparses à terre. Au premier plan, le courrier lutte et cherche à se défendre au moyen d’un fouet. Un officier républicain est étendu mort auprès de la voiture arrêtée. Cet épisode de la terrible guerre de Vendée est rendu avec talent par ce peintre, qui a déjà trouvé là le motif de plusieurs œuvres des plus remarquables. On n’a pas oublié son « La Rochejaquelein ».

Le Paris Moderne n’est pas convaincu par l’effet « profondeur de champ » tenté par l’artiste : On préfère « Le Duel » de M. Le Blant. L’effet dramatique est sobrement rendu, mais il l’est avec justesse ; il est regrettable que les premiers plans du terrain ne soient pas assez fermes.

Gravure parue dans l’Illustration.