LE BATAILLON CARRÉ, AFFAIRE DE FOUGÈRES 1793

Huile sur toile 150 x 227 cm  (1880)
Exposé au Salon de 1880 et à l’expo universelle de 1889 à Paris (médaille d’or)
Localisation actuelle : Bibliothèque de l’université de Provo/Utah – USA

Sujet

La deuxième bataille du Rocher de La Piochais (ou de La Plochais) a lieu pendant la Chouannerie. Le 21 décembre 1795, un convoi républicain venu de Fougères tente de ravitailler Saint-Georges-de-Reintembault, assiégé par les Chouans.

La bataille

Les troupes républicaines paraissent au matin, mais elles repèrent l’embuscade et ne tombent pas dans le piège. Les soldats se mettent en formation en lançant des railleries et des insultes à leurs ennemis, puis marchent baïonnette au canon. Les chouans les laissent s’approcher jusqu’à une distance de 20 pas puis ouvrent le feu. La décharge est meurtrière, le commandant ordonne la retraite et les républicains rétrogradent en bon ordre malgré le feu des chouans. Au même moment à l’autre bout de la colonne, Boisguy, à la tête de 400 hommes, enfonce l’arrière-garde et se saisit des voitures de vivres et de pains destinés à ravitailler Saint-Georges. Les républicains sont alors encerclés, les marais sur leurs flancs les empêchent de se replier.

À l’avant-garde, le général met sa troupe en formation au carré, Joré fait de même à l’arrière-garde après avoir rallié les fuyards. Mais les soldats républicains, à découvert, restent constamment sous le feu des chouans, protégés par les marais et embusqués derrière les fossés et les haies. Bonteville, Saint-Gilles et Dauguet lancent alors une charge sur le carré de l’avant-garde, les chouans en nette supériorité numérique, l’écrasent rapidement. Le carré de Joré et de ses carabiniers résiste plus longtemps, les chouans y pénètrent un instant, puis en sont délogés, avant qu’une deuxième attaque ne s’avère décisive. Les lignes républicaines sont disloquées et les soldats en déroute s’enfuient vers Fougères. Les républicains subissent ce jour là leur plus lourde défaite face aux chouans en Ille-et-Vilaine.

Gravure tirée des Chouans de Balzac, dessin de Le Blant d’après son tableau en 1889

Bilan

Il est certain que cette bataille se termina par une victoire écrasante des chouans. Dans un premier rapport les administrateurs républicains de Fougères admettent que l’escorte a perdu au moins la moitié des soldats qui la composaient. Les Chouans ont 39 tués et environ 40 blessés selon Pontbriand, qui porte également le nombre des tués républicains à plus de 1 200 et estime qu’il n’y eût pas 200 hommes à rentrer sans blessure à Fougères. Les corps des soldats républicains auraient été enterrés à la prairie de Chevaux-Morts. Cette défaite fut en tout cas vécue comme une véritable catastrophe par les républicains de la région.

« Sur une petite élévation, au centre, un bataillon de soldats républicains, formé en carré, tient tête à une furieuse attaque des chouans qu’on voit monter en désordre sur la gauche, débouchant impétueusement de tous les plis du terrain, armés au hasard de fusils, de sabres, de faux. Quelques-uns sont déjà, corps à corps, aux prises avec les Bleus. Entre les deux groupes, le sol est semé de cadavres et de blessés. Sur la droite on devine d’autres chouans rampant dans les herbes et des pétillements de fumée à l’horizon annoncent encore une attaque lointaine. La vivacité de l’action, grave et calme du côté des Bleus, enthousiaste et furieuse du côté des Blancs, a été rendue par M. Le Blant avec une chaleur et un entrain remarquables. Les types sont observés avec exactitude, la composition est bien groupée sans aucun sacrifice des vraisemblances, l’exécution est vive, précise, harmonieuse.  » Livre d’Or du Salon 1880

« Suspendons un moment notre course, que rend trop hâtive le désir de passer en revue nos plus grandes richesses, et faisons une halte devant le Bataillon carré, de M. Julien Le Blant. L’œuvre est étonnante d’entrain et de mouvement. Une troupe de chouans, coiffés du chapeau aux larges bords, chaussés de sabots, armés de piques ou de faulx, s’élance pour se ruer sur le bataillon carré des soldats de la République qui, immobile comme une forteresse vivante, fait feu sur les assaillants. La fureur de la bataille est dans l’air; elle anime cette plaine tachetée par les flocons de fumée bleuâtre, qu’emplit l’odeur de la poudre, et dont il s’élève de grands cris. Comme ces gens-là se battent bien, corps et âme, sans merci ! Quand ils vont s’aborder, la lutte sera acharnée et terrible. Telle est l’idée qui vous vient devant cette toile. M. Julien Le Blant s’est vu désigné de bonne heure à l’attention de l’opinion publique; jamais, ce me semble, il n’a mieux mérité que cette année la faveur dont il jouit auprès d’elle. Pour ma part, je lui sais un gré infini de ne pas suivre l’exemple de certains de nos peintres militaires, dont les tableaux sont des vignettes agrandies, et qui ne craignent pas de se compromettre avec le métier du photographe. » La peinture au Salon de 1880 : les peintres émus, les peintres habiles / par Roger Ballu