En 1874 Julien se sent prêt. Les impressionnistes exposent chez Nadar et lui débute sa carrière de peintre au Salon. Il a 23 ans. Il présente un tableau au titre éloquent : Assassinat de Lepelletier de Saint-Fargeau par le garde, Pâris, le 20 janvier 1793 qui lui rapporte une médaille de troisième classe, valant à l’époque 250 francs-or. Malgré leurs divergences, il est intéressant de constater les intérêts communs du père et de son fils, puisque, cette même année, Edmond Le Blant publie dans le Correspondant : Lepeletier de Saint-Fargeau et son meurtrier. (Le père avec un « L » et le fils avec deux !)
« Je suis attiré, d’ailleurs, par le drame qui se passe à côté, sur la toile de M. Julien Le Blant.
Nous sommes le 20 janvier 1793, au palais ci-devant Royal, au restaurant Février.
Michel-Louis Le Pelletier de Saint-Fargeau, membre de la Convention, achève un modeste dîner lorsqu’un homme armé s’avance vers lui, en lui disant :
— N’es-tu pas Le Pelletier?
— Oui.
— Ancien président au Parlement de Paris?
— Sans doute.
— N’as-tu pas voté la mort du roi ?
— Oui, avec douleur, mais selon ma conscience.
— Eh bien reçois ta récompense !
Et d’un coup de sabre, il lui ouvre les entrailles.
L’assassin était Pâris, ancien garde du corps du comte d’Artois et garde constitutionnel de Louis XVI. Après son crime, il sortit si précipitamment du restaurant, qu’il se déroba aux poursuites. On ne le découvrit que quelques jours plus tard, dans une auberge de Forges-les-Eaux, et au moment où on allait l’arrêter, il se brûla la cervelle. » (Le Salon de 1874, Nestor Paturot)
L’adage dit qu’un fruit ne tombe jamais loin de son arbre. Les similitudes des destinées de Julien et de son père sont étonnantes. Tous deux ont perdu leur maman à la naissance. Tous deux ont été autodidactes dans le domaine qui les rendra célèbres. Tous deux vont recevoir la légion d’honneur. Tous deux vont marquer leur époque dans leurs domaines respectifs et laisser leur nom dans une série d’ouvrages … Pourtant Julien et son père vont travailler chacun de son côté, sans jamais avoir collaboré dans un même livre. Edmond s’est-il opposé à la vocation artistique de son fils comme l’ont fait nombre de parents de peintres célèbres ? Julien en a-t-il voulu à un père fréquemment absent ? Etaient-ils simplement trop semblables ? Les réponses leur appartiennent, mais nous savons qu’une réconciliation a eu lieu en novembre 1880 sous le porche de l’église St-Honoré d’Eylau à Paris, le jour du mariage de Valérie, la demi-sœur de Julien, avec Adhémar Esmein.