Les Réfractaires 1894 – huile sur acajou de 76 x 117cm – Historial de la Vendée
Sujet
Cette scène représente une des causes de la rébellion vendéenne. On y voit un groupe de réfractaires au tirage au sort qui longe la Loire. Un réfractaire, c’est un conscrit qui ne s’est pas présenté dans le délai d’un mois au capitaine de recrutement. Le service militaire est alors de cinq ans. Pour échapper à un service aussi long, il existe plusieurs possibilités : tirer un bon numéro, se faire remplacer, être exempté ou alors être réfractaire. Le jeune homme qui fait ce choix doit alors se cacher, ses parents peuvent subir une amende ou être passibles de poursuites judiciaires. Les hommes que l’on voit ici ont été faits prisonniers par la Garde nationale et la Gendarmerie.
Face à la menace des états
européens coalisés, la France révolutionnaire a, pour la première fois de son
histoire, recours à la conscription. Elle décide d’appeler sous les drapeaux tous
les citoyens français depuis l’âge de dix-huit ans jusqu’à quarante-cinq ans
accomplis, non mariés, veufs sans enfants par tirage au sort. La Vendée devait
fournir 4200 hommes. Les membre des municipalités et institutions républicaines
étaient dispensés de ce service militaire et la bourgeoisie se payait des
remplaçants. Beaucoup de jeunes paysans refusèrent de se présenter au tirage au
sort. Après toutes les vexations dont les populations de l’ouest s’estimaient
avoir été l’objet de la part de la République, la coupe était pleine et cette
loi la fit déborder. Des émeutes éclatèrent sur tout le territoire de ce qui va
devenir la Vendée militaire. Dès le 11 mars 1793 tombaient les premières
victimes. Deux jours plus tard, Cathelineau et sa troupe partirent en guerre
contre la République. C’est le début de la guerre de Vendée. Sous l’Empire, Napoléon
Ier a besoin de renforcer ses troupes. La conscription est censée répondre à
cette demande. Dans le nord des Deux-Sèvres où le calme a encore du mal à
revenir après les Guerres de Vendée, les réfractaires sont encore assez
nombreux. À force de fuir les gendarmes et de vivre clandestinement, certains
de ces jeunes gens finissent parfois par former des bandes et tomber dans la
criminalité.
En 1882, Julien Le Blant expose pour la première fois avec les aquarellistes. Sur les quatre œuvres qu’il propose, une d’elles traite du thème des réfractaires.
Critiques de l’époque
« La surprise nous attend ailleurs. M. Julien Le Blant nous la réservait. C’est un nouveau. Il s’était déjà révélé au Palais de l’Industrie. Il se révèle, dès son début aux aquarellistes. Ce qu’il nous apporte, c’est la Bretagne, la Bretagne révoltée, la Bretagne des Chouans. Il nous montre « les Réfractaires », prisonniers, entraînés à travers les landes farouches par un détachement de grenadiers, et nous trouble. Le thème est simple et poignant ; les captifs sont vus de dos, s’enfonçant dans l’inconnu, pendant que deux jeunes femmes les suivent des yeux, comme un souvenir du passé. » (L’Intransigeant)
« … Et cette longue bande de Réfractaires vendéens que les soldats de la République poussent devant eux, comme les sbires du tzar chassent les convois de transportés en Sibérie ; comme c’est morne et beau ! » (L’Art populaire)
« Nous ne saurions trop louer la composition si curieuse, si nouvelle, vraiment trouvée, des Réfractaires. Ces hommes vus de dos, qu’escorte un détachement de fantassins, coiffés du feutre de grenadier ou du casque à chenille des chasseurs, et que regardent, avec une pitié touchante, deux pauvres femmes, forment un tableau d’une impression saisissante. Que dire du paysage, sinon qu’il est admirablement rendu, admirablement vrai, preuve, pour nous certaine, que M. Le Blant a rapporté de Bretagne ces études où il place ainsi les drames qu’il veut peindre ? En résumé, il y a, dans les aquarelles exposées par M. Le Blant, un tempérament personnel, un dessinateur de premier ordre et un coloriste d’une clarté séduisante. » (Le Panthéon de l’Industrie.)
En 1894, Julien
Le Blant participe pour l’avant-dernière fois au Salon en reprenant sur toile
ce même sujet.
« M. Julien Le Blant, qui s’est voué depuis quelques années à l’illustration, art dans lequel il excelle, a toujours sur chevalet quelque épisode du genre historique qui rappelle les sujets auxquels il doit ses premiers succès. Les « Réfractaires » sont encore un souvenir des guerres de Vendée ; nous y retrouvons les qualités de l’artiste, sa façon à la fois large et précise et sa qualité maîtresse, le caractère, par le type, le geste, l’exactitude des horizons et la sobriété du rendu.» (Le Figaro Salon)
« Les «Réfractaires», un petit chef-d’œuvre de M. Le Blant, très coutumier du fait.» (Le Salon)
« Et combien plus poétiques, plus poignants sont encore les « Réfractaires », de M. Julien Le Blant. Fidèle à sa « spécialité », ce sont des Bretons que nous montre encore le peintre des guerres vendéennes. Mais combien son paysage est vrai et comme l’attitude de ses «réquisitionnaires» est exacte. Ce petit tableau vous produit le même effet que la lecture de ce merveilleux chapitre premier des Chouans, où Honoré de Balzac s’est montré le premier et le plus génial des paysagistes. » (Le Salon)
Avec ses soldats qui s’éloignent dans le lointain, Julien Le Blant se retire définitivement de la peinture d’histoire et des guerres de Vendée. Ce tableau a appartenu à l’écrivain Marc Elder, critique et historien d’art, Chevalier de le Légion d’Honneur, Prix Goncourt et conservateur du château des ducs de Bretagne à Nantes avant d’être aujourd’hui propriété du Conseil Général de Vendée. Il est exposé à l’historial de la Vendée aux Lucs-sur-Boulogne.
Récits militaires par Maurice
Loir, publiés par Hachette en 1897, avec 36 aquarelles de Julien Le Blant dont 12
planches hors texte, reproduites en couleurs par H. Reymond, 12 en-têtes et de
12 culs-de-lampe tirés en noir.
Maurice Loir, connu également sous le pseudonyme de Marc Landry, est né le 16 avril 1852 à Paris. Après avoir été élève de l’École navale et avoir fait sa carrière dans la marine, ce neveu de Louis Pasteur est devenu lieutenant de vaisseau à bord de la Triomphante en 1882. Il a pris sa retraite en 1896 et a été promu capitaine de frégate de réserve en 1901. Il a écrit des ouvrages portant pour l’essentiel sur la marine de guerre française et a été collaborateur du journal Le Figaro pour les questions maritimes sous son pseudonyme Marc Landry. Maurice Loir était officier d’Académie, et fut fait officier de la Légion d’honneur par décret du 22 juillet 1905. Il est mort le 1er décembre 1924 à Paris.
Au drapeau !, préfacé par Georges Duruy, rassemble des récits militaires extraits des mémoires de G. Bussière et E. Legouis, du Comte de Ségur, du Maréchal Masséna, du Général vicomte de Pelleport, du Capitaine S. Carnot, du Maréchal Marmont, du Commandant du Fresnel, du Général Corbineau, du Général Thoumas, du Général Ambert, du Général baron Lejeune, de Norvins, de A. Vandal, de A. Thiers, du Comte de Michaud, de A. Lallemand, de E. de Lyden, du Baron Petiet, de Camille Rousset, du Capitaine Richard, de Garnier-Pages, du Général du Barail, de A. Rambaud, de P. Laurencin, de Germain Bapst, de Fernand Hue, de Roger de Beauvoir, du Lieutenant Painvin, de Dick de Lonlay, du Capitaine Simon, de Jules Claretie, du Comte S. Jacquemont et les Journaux du temps. On y trouve également un tableau historique des régiments Français.
Préface du livre
«M. George Duruy vient d’écrire pour un livre de M. Maurice. Loir : Au Drapeau — qui se compose de morceaux extraits de mémoires et d’ouvrages militaires et forme une suite d’épisodes éclatants commençant avec les campagnes de la Révolution pour ne finir qu’après 1870 — une préface vibrante de patriotisme, de laquelle nous détachons cette éloquente glorification du drapeau français.
Je suis l’image au juste de la Patrie : Depuis qu’il y a une France, je me dresse au milieu de ses armées. Je parle d’elle à ceux qui, pour elle, vont verser leur sang ; je les exhorté à ne pas lui en marchander une seule goutte, et, quand ils sont tombés, je console, en restant debout, leur agonie. Sous un autre nom et d’autres couleurs, j’étais il y a sept siècles à Bouvines, conduisant les milices de la France à la défense de leur soi envahi par les Allemands; et, au plus fort de la mêlée, agité eu l’air par le bon chevalier qui me portait, j’appelais les nôtres au secours de leur Roi en péril. ; Cinq cents ans plus tard, blanc et fleurdelysé d’or, j’étais à Denain, le jour où la dernière armée de Louis XIV livrait la suprême bataille que j’aidai à gagner, en rappelant aux soldats de Villars que c’en était fait de la France, si par un miracle d’héroïsme ils ne la sauvaient.. À Valmy, à Jemmapes, à Fleurus, j’ai fait flotter les trois couleurs à la tête des irrésistibles légions de la République ; cloué à un tronçon de mât, j’ai eu le dernier regard, la dernière pensée des marins du Vengeur, lorsqu’aux sons de la Marseillaise leur navire criblé de boulets, s’enfonçait lentement dans les flots. À Austerlitz et à Iéna, j’ai été sacré d’une gloire immortelle par les armées du grand Empereur. A l’heure des revers, pendant la funèbre retraite de Russie, c’est autour de moi que marchaient, rangés en un silence farouche, les survivants de la Grande Armée. Par-delà les mornes steppes glacées, j’évoquais à leurs yeux la lointaine Patrie ; sous l’âpre bise et la neige, j’entretenais la flamme de vaillance indomptable qui soutenait les corps épuisés de ces héros. J’ai parcouru toute la terre : l’Algérie et la Chine, le Mexique, le Sénégal et le Tonkin m’ont vu successivement apparaître ; naguère encore, une poignée de braves m’a planté au centre de la meurtrière Madagascar sur Tananarive conquise. Mais ce n’est pas la guerre, la conquête seules que j’ai promenées à travers le monde. Mon éternel honneur sera d’y avoir apporté aussi le généreux esprit de la France. J’ai détruit le vieil édifice féodal, abri de séculaires iniquités, qui pesait sur l’Europe. Dans tous les lieux où j’ai passé, j’ai semé, je sème encore la liberté. Les peuples mêmes qui ont souffert de mes triomphes ont trouvé dans les défaites que je leur infligeais le gage salutaire de leur régénération ; ils ont maudit victoires, et ces victoires leur ont profité. Je les ai rachetées, d’ailleurs, ces conquêtes qu’on me reproche ! Si j’ai aimé la gloire, j’ai aimé la justice aussi. Pour le seul amour d’elle, j’ai abrité de mes plis ses causes justes qui, sans moi succombaient ; j’ai protégé les faibles ; j’ai combattu sans réclamer de salaire, pour l’indépendance de peuples, opprimes ; j’ai aidé les Américaine et les Grecs, les Belges et les Italiens à s’affranchir. Que ceux-là parmi eux l’oublient qui ont la mémoire courte, peu importe ! J’ai bien mérité de l’humanité : j’ai conquis, mais j’ai délivré. » (Le Petit Journal 16 décembre 1896)
Critiques de l’époque
« Au Drapeau ! par M. Maurice Loir. Un magnifique volume illustré de 12 planches hors texte en couleurs et de 24 dessins dans le texte d’après les aquarelles et les dessins de Julien Le Blant. Le drapeau dont ce livre raconte l’histoire, c’est le drapeau aux trois couleurs, dont l’origine remonte à la Révolution. Le récit de M. Maurice Loir se compose de morceaux empruntés à toutes sortes de mémoires et d’ouvrages militaires, voire à des journaux officiels, et forme une suite d’épisodes éclatants qui commencent avec les campagnes de Buonaparte en Italie et en Egypte et ne s’arrêtent qu’après 1870. Quel cortège de trophées et de souvenirs héroïques défile sous les yeux du lecteur dans ces pages magnifiquement illustrées d’après les aquarelles et les dessins de Julien Le Blant ! » (Le Phare de la Loire 18 décembre 1896)
« Un livre vibrant de patriotisme, un de ces livres qui enflamment les cœurs de l’amour du pays. Au Drapeau! de M. Maurice. Loir, se compose de morceaux extraits de mémoires et d’ouvrages militaires, et forme une suite d’épisodes éclatants qui commencent avec les campagnes de la Révolution et ne s’arrêtent qu’après 1870. Trente-six planches en couleurs, d’après les aquarelles de Julien Le Blant, montrent aux yeux, en traits émouvants, le cœur de la France qui palpite dans ces récits d’héroïsme. » (Le Figaro 13 décembre 1896)
« Parmi les beaux livres illustrés, ceux qui aiment les récits militaires liront les morceaux rassemblés par M. Maurice Loir, sous ce titre : Au drapeau ! avec une préface de M. George Duruy. C’est l’histoire du drapeau tricolore, composée de fragments de Mémoires, de chapitres écrits par les historiographes. Le commencement est daté des campagnes de Bonaparte en Italie, les dernières pages racontent 1870 et le Tonkin, victoires, conquêtes et défaites. Les illustrations en couleurs de M. Julien le Blant disent, avec une certaine violence d’imagerie, le sang et l’horreur des spectacles. » (La Justice 24 décembre 1896)
« La maison Hachette donne, cette année, à la littérature militaire le pas sur les récits de voyages. Au drapeau ! par Maurice Loir, est un recueil de récits militaires, une galerie de tableaux de batailles, une évocation de la gloire du passé. Ce sont des extraits de Mémoires, des passages puisés dans les ouvrages des généraux et des historiens. Ces feuillets détachés du Livre d’or de nos armées forment un tout, éloquent et consolant. On suit chronologiquement les étapes de notre drapeau, jusqu’aux jours noirs de 1870, qui par instants eurent aussi leur éclaircie d’espérance et leur rayon de gloire. Les craintes que peut soulever notre organisation militaire actuelle sont vives, légitimes. Le haut commandement apparait inférieur, l’exagération du système défensif de la frontière, l’accumulation des forteresses formant autant de pièges à retenir nos forces disséminées, le système régional de recrutement pouvant jeter la consternation et le découragement dans toute une province, spécialement éprouvée à la suite d’une sanglante bataille, la faiblesse de notre cavalerie, l’insuffisance des cadres trop fréquemment rajeunis et la caducité des généraux et des colonels, toutes ces causes d’affaiblissement de notre armée, dont s’émeut, la clairvoyance des patriotes, ne résistent pas à l’enthousiasme, à l’emballement généreux et fortifiant qui s’élève en nous-mêmes au contact des grandes actions du passé. On se dit que les épopées, comme l’histoire, recommencent, et qu’un pays qui a de si prodigieux états de service ns saurait être on danger de périr. Les livres comme ceux de M. Maurice Loir redonnent de la fierté à l’âme, font affluer le sang au cœur et redressent le torse de chaque Français longtemps courbé sous l’humiliation. Une préface de M. Georges Duruy, 12 planchés hors texte et des illustrations en couleur de Julien Le Blant, et un tableau des régiments français font de ce patriotique volume un des meilleurs ouvrages de l’année. Ces récits guerriers sont comme les chants d’une Iliade aux Achilles innombrables, se transmettant d’âge en âge, comme les coureurs de stade le flambeau, le Drapeau de la France. Mme de Witt née Gaizet a déjà corrigé, éclairci, résumé pour la jeunesse les plus intéressants passages de nos vieux chroniqueurs. Cette année ce sont, du docte Suger au précis et anecdotique Froissart, les anciens récits relatifs aux croisades et à saint Louis que Mme de Witt a recueillis et condensés. Avec la couleur et le ton de l’époque, cette dernière aventure de la chevalerie est présentée. Des illustrations d’après les documents du temps ajoutent à l’illusion du récit et font du lecteur un contemporain de Blanche de Castille et du saint roi qui fut le premier, le plus hardi des explorateurs français, l’initiateur du grand mouvement d’expansion de la France en Afrique. Ce volume contient neuf planches en chromolithographie, quarante-six grandes compositions en noir et trois cent deux gravures reproduites d’après les manuscrits et enluminures de l’époque. » (L’Écho de Paris 22 décembre 1896)
« Le drapeau dont ce livre raconte l’histoire, c’est le drapeau aux trois couleurs, dont l’origine remonte à la Révolution. Le récit de M. Maurice Loir ce compose de morceaux empruntés à toutes sortes de mémoires et d’ouvrages militaires, voire à des journaux officiels, et forme une suite d’épisodes éclatants qui commencent avec les campagnes de Bonaparte en Italie et en Egypte et ne s’arrêtent qu’après 1870. Quel cortège de trophées et de souvenirs héroïques défile sous les yeux du lecteur dans ces pages magnifiquement illustrées d’après les aquarelles et les dessins de Julien Le Blant. Tout est épique dans ce volume, y compris même les tableaux de l’année terrible, où les drapeaux de Rezonville, de Saint-Privat, de Gravelotte, de Metz et de Loigny ont aussi leur auréole glorieuse et jettent dans la nuit de la défaite un éclair fait pour relever les âmes. » (La Petite République 26 décembre 1896)
En 1885 Les éditions Jouaust et la Librairie des
bibliophiles publient Servitude et grandeur militaires d’Alfred de Vigny
dans la collection « Bibliothèque artistique moderne », illustré d’un
portrait-frontispice de l’auteur ainsi que de 6 illustrations hors-texte
d’après des dessins de Julien Le Blant, gravées à l’eau-forte par Eugène-André
Champollion.
Le comte Alfred Victor de Vigny, est est né le 27
mars 1797 à Loches. Il s’est consacré rapidement à la littérature après une
carrière militaire dans laquelle il n’a jamais combattu. Il écrit des poèmes,
rassemblés dans son recueil Poèmes antiques et modernes (de 1822 à 1826
puis complété en 1837). C’est un romantique, qui donne sa vision désenchantée
de la société dans un roman historique : Cinq Mars (1826). Ce roman
représente les humiliations infligées à la noblesse par la monarchie absolue. Il
met en scène le thème de l’exclusion et de la solitude dans ses poèmes, ou bien
le drame dans des nouvelles comme Servitude et Grandeur militaires
(1835). Ses œuvres abordent tous les symboles religieux et de figures
mythiques, et exposent une pensée humaniste qui voit le salut de l’homme dans
la réflexion. Il meurt à l’âge de 66 ans, le 17 septembre 1863 à Paris.
Le graveur Champollion, est né
le 30 mars 1848 à Embrun dans les Hautes-Alpes. Formé par Gaucherel et Edmond
Hédouin, il collabore à la revue Paris à l’eau-forte entre 1873 et 1876,
puis à la Gazette des beaux-arts. Il expose à plusieurs reprises au
Salon des artistes français et aux Expositions universelles de 1889 et 1900. Il
pratique surtout la gravure d’interprétation et grave entre autres l’œuvre de
Georges Rochegrosse. Il illustre des ouvrages de bibliophilie pour les éditeurs
Dentu, Ferroud ou Jouaust. La Chalcographie du Louvre lui a commandé des
planches issues de son fonds. Il va graver aussi les illustrations du Chevalier
des Touches, d’après des dessins de Le Blant, en 1886. Il meurt le 14
juillet 1901 à Lettret.
Servitude et grandeur militaires est un recueil de nouvelles publié en 1835, qui en comprend trois : Laurette ou le Cachet rouge, La Veillée de Vincennes, La Vie et la mort du Capitaine Renaud ou la Canne de jonc.
Résumé
C’est à la fois un roman et une réflexion
autobiographique sur le métier militaire, que Vigny a exercé jusqu’à trente
ans. La fiction s’incarne dans trois nouvelles, où les aventures, la tension,
le pathétique mènent à la philosophie : « Une fable qu’il faut inventer assez
passionnée, assez émouvante pour servir de démonstration à l’idée », écrit
Vigny, qui apparaît, dans ces trois histoires de passion et d’émotion, tour à
tour comme un aristocrate, un soldat, un poète, un styliste, un penseur. Vigny
décrit la condition militaire avec une humanité profonde et une pitié
fraternelle. Il s’élève avec fermeté contre la doctrine formulée par Joseph de
Maistre, qui exaltait le guerrier comme l’instrument aveugle et prestigieux
d’une mission divine. Il regarde la guerre comme un fléau et définit la
grandeur par l’abnégation, c’est-à-dire par l’acceptation vaillante de la
servitude. Dans les armées modernes, en effet, le troupier et même l’officier
ne sont que des esclaves : ils doivent l’obéissance passive à une autorité
factice qui les prend à ses gages. Mais ce renoncement à soi, souvent obtenu au
prix des plus cruels sacrifices, permet à l’homme de sauvegarder sa dignité
personnelle. Ainsi se définit une religion de l’honneur. Au sein d’un monde où
semble régner la fatalité, cette mystique nouvelle rend à la vie un sens et
atteste l’existence d’une liberté.
Critiques de l’époque
« Les dessins qui ornent cette édition sont dus à M. Julien Le
Blant, qui s’imposait à notre attention par son double talent de peintre de
genre et de peintre militaire. L’habileté avec laquelle il est entré dans
l’esprit de l’œuvre qu’il avait à interpréter est venue montrer que nous
n’avions pas fait fausse route en nous adressant à lui. Quant à M. Champollion,
il a mis à graver les remarquables compositions de M. Le Blant l’intelligence
et le soin dont il fournit chaque jour de nouvelles preuves. » (Extrait
de la préface)
« Le dernier ouvrage publié par MM. Jouaust et Sigaux dans leur
Bibliothèque moderne est la Servitude et Grandeur militaires, d’Alfred de
Vigny, que, par un singulier hasard, la Société des Amis des Livres vient
également d’éditer pour ses membres fondateurs et correspondants. Les deux
livres sont curieux à comparer. L’édition de la Librairie des Bibliophiles a
pour illustrateur le peintre des chouans, Julien Le Blant ; celle des Amis des
Livres, imprimée sous la direction artistique de M. Henry Houssaye, est
entièrement vignettée par le peintre militaire Henri Dupray. …
L’édition de M. Jouaust, sans présenter l’ampleur magistrale qu’ont
donnée à leur œuvre d’élection les Amis des Livres, offre un intérêt absolu. Le
conte de Laurette est illustré de deux dessins, ainsi que la Veillée de
Vincennes et la Canne de Jonc, soit six compositions d’une grande originalité
et qui doivent à la gravure de M. Champollion un relief surprenant. M. Le Blant,
dans cette œuvre, a montré une grande simplicité ; il n’a point cherché le
dramatique tapageur et il a su trouver des scènes émues, toutes contenues dans
l’expression parfois admirable de ses personnages. Il a mis moins de passion
que Dupray et aussi plus de sentiment poétique. Au demeurant, les deux
illustrations sont dignes d’être réunies et je sais quelques amis des livres
qui joindront les deux suites dans leur exemplaire, sans oublier les deux
portraits d’Alfred de Vigny, à ses débuts et sur la fin de sa vie, que M.
Jouaust a eu l’heureuse inspiration de faire graver pour ses souscripteurs sur
grand et petit papier. » (Le Livre – Revue du monde littéraire 1885.)
« La Bibliothèque artistique et moderne s’est augmentée de deux ouvrages : Servitude et Grandeur militaire, d’Alfred de Vigny, un volume dont il sera impossible de ne pas tenir compte quand on fera l’histoire de l’eau-forte en notre temps, à cause des admirables dessins de Julien Le Blant, gravés par Champollion ; et Jocelyn, de Lamartine, avec des dessins de Besnard, gravés par de Los Rios. Sans valoir celles de Le Blant, que leur supériorité classera à part dans l’estampe, des compositions de Besnard rendent avec assez de sensibilité le charmé lamartinien. De quelles joies pures ces livres réussis remplissent l’âme d’un amateur. » (Le Temps)
Lors de la vente de la bibliothèque de M. Claude Lafontaine, chez Drouot en mars 1923, une édition originale de Servitude et grandeur militaires a été adjugée pour la somme de 2600 francs.
En 1896, les éditions Hachette
publient La vengeance des Peaux-de-bique
(1793) de Gustave Toudouze enrichi de 52 dessins de Julien Le Blant, dont
16 hors texte, gravés par Devos, Privat, Rousseau, Steinmann, Romagnol et
Léveillé.
« La Vengeance des Peaux-de-Bique, par Gustave Toudouze, est un
fragment de l’histoire vendéenne. Claude Bodereau, dit Peau-de-Bique, est un de
ces héros de la lande et du bocage qu’on admire malgré l’indignation que peut
soulever leur rébellion criminelle, faisant cause commune avec les Prussiens et
les Anglais qui envahirent la France en 93. Le jeune chouan a pour frère de
lait un petit tambour républicain, Fanfan Rataplan. Cet émule de Bara après
avoir délivré la mère et les sœurs de Peau-de-Bique, prisonnières à Laval,
tombe entre les mains du royaliste. Il pense être tué, mais heureusement une réconciliation
s’opère entre les deux frères ennemis, prélude de celle que Hoche devait réaliser
entre la Vendée et la mère-patrie. C’est Julien Le Blant, le peintre les
Chouans, qui a illustré ce récit. Les cinquante-trois dessins de la Vengeance
des Peaux-de-Bique fait de ce roman très intéressant, très littéraire, une
véritable œuvre artistique. » (L’Attaque)
Comme transition de l’histoire aux œuvres d’imagination, M. Gustave Toudouze nous donne dans la Vengeance des Peaux-de-Bique, un ouvrage qui participe des deux genres. Le fond de ce récit, c’est l’épopée guerrière des Bleus et des Chouans, dans le Maine, la lutte des batailleurs de Mayenne et des paysans vendéens fanatisés par un chef mystérieux, « Loup-Garou », le vieux sorcier. Au premier plan, se dressent deux jeunes héros, le royaliste Claude Bodereau, dit Peau-de-Bique, et Fanfan Rataplan, le petit tambour républicain, deux ennemis acharnés, qui finissent par se réconcilier quand ils découvrent qu’ils sont frères de lait. Cette œuvre, l’une des plus émouvantes que M. G. Toudouze ait tirées de sa fertile imagination, est superbement illustrée de 53 compositions de M. Julien Le Blant, le célèbre peintre des Chouans. (Journal des débats politiques et littéraires du 21 décembre 1896)
« La Vengeance des Peaux-de-Bique, par Gustave Toudouze, — Le fond de ce roman, c’est l’épopée guerrière des Bleus et des Chouans, dans le Maine, la lutte acharnée des bataillons de Mayence et des paysans vendéens fanatisés par un chef mystérieux, « Loup-Garou », le vieux sorcier. En face du jeune Claude Bodereau ou Peau-de-Bique, l’ardent défenseur de la cause royaliste, se dresse Fanfan Rataplan, le petit tambour, qui poursuit sans trêve son ennemi jusqu’au jour où il apprend que celui-ci, dont la mère et les sœurs sont prisonnières à Laval, n’est autre que son frère de lait. Il sent dès lors tomber toute sa haine, entreprend de sauver les captives et y réussit ; mais il tombe juste à ce moment sous les coups de Peau-de-Bique qui, à son tour, est laissé pour mort. Finalement les deux frères se réconcilient sous l’égide de Mlle de Grave, la bonne fée secourable dont la figure plane doucement sur ce drame étrange et sanglant, qu’emplissent le frisson des grands bois et le hurlement sinistre de la chouette. Julien Le Blant, le célèbre peintre des Chouans, a magistralement illustré l’œuvre de G. Toudouze. » (La Libre Parole 14 décembre 1896)
« Enfin,
le roman historique est présent, un roman de chouannerie : La vengeance des
Peaux de bique, écrit, avec le souci de la vérité, par Gustave Toudouze. C’est
une des grandes épopées républicaines, la lutte des bataillons de Mayence
contre la Vendée fanatisée. Toudouze a lait revivre les passions aux prises, et
les a évoquées dans leurs décors exacts : vieilles villes, campagnes du Maine,
grands bois mystérieux où gémit la chouette. Il a été aidé en cela par son
illustrateur, M. Julien le Blant, qui s’est fait, comme on sait, une réputation
à reconstituer les scènes de cette époque et de cette région. » (La Justice 24 décembre 1896)
« La
Vengeance des Peaux-de-Bique, par Gustave Toudouze, retrace la guerre des Bleus
et des Chouans dans le Maine. L’auteur s’est efforcé de vanter les mérites des
uns et des autres, mais on voit que ses sympathies sont pour les premiers. […] On
redressera comme il convient quelques-unes des appréciations ; mais on remarquera
les dessins toujours vivants de M. Julien le Blant. » (La Gazette 24 décembre 1896)
Le carrefour de la belle
étoile
Ce livre écrit en 1986 par
Anne Bernet était resté inédit. Les illustrations originales de J. Le Blant ont
été réalisées en 1896 pour le livre de Gustave Toudouze « La Vengeance des
Peaux-de-Bique ». Curiosité, ou cadeau inespéré fait au lecteur : tel peut
apparaître Le carrefour de la Belle-Etoile, longue nouvelle, ou bref roman,
comme bon vous semble, qu’Anne Bernet écrivit en 1986, au tout début de sa
carrière et qui représente, si l’on excepte ses chansons et ses articles, sa
première œuvre littéraire, à ce jour restée inédite. Le lecteur retrouvera
pourtant dans ce texte de jeunesse l’essentiel, déjà, de sa thématique et comme
un avant-goût des livres à venir. L’Ouest, les Chouanneries, la Vendée, Dieu,
le Roi, tout s’entrecroise dans cette histoire d’une vengeance, et d’une
rédemption, en apparence également impossibles. Au fil de ce récit mis en
abîme, riche en rebondissements, où l’influence de Barbey d’Aurevilly, comme
celle de La Varende se devine, revivent deux siècles d’ancrage dans les
antiques fidélités catholiques et royales, tour à tour incarnées dans des personnages
drolatiques ou tourmentés, mais jamais exempts de grandeur.
En 1895 les éditions Hachette
publient Enfant Perdu (1814) de
Gustave Toudouze avec cinquante dessins de Julien Le Blant gravés par Auguste
Léveillé.
Gustave Toudouze est né le 19
mai 1847 à Paris. Il est le fils aîné de l’architecte et graveur Gabriel
Toudouze, auteur d’une série d’eaux-fortes et d’une belle œuvre dessinée,
conservée à la Bibliothèque nationale. Sa mère, Anaïs Colin, est artiste
peintre. Après des études au collège Sainte-Barbe de 1855 à 1869, il devint un
familier des dimanches de Gustave Flaubert, qui encouragea ses débuts, puis du
« grenier » d’Edmond de Goncourt. Il fut lié avec Émile Zola, Alphonse Daudet,
Alexandre Dumas fils et surtout Guy de Maupassant qui lui dédiera la nouvelle
En voyage en 1883.
Pendant la Belle Époque, l’été,
Gustave Toudouze fréquente la colonie artistique de Camaret-sur-Mer en
Bretagne. Il meurt à Paris le 2 juillet 1904.
Le graveur Auguste-Hilaire Léveillé est né à Joué-du-Bois le 31 décembre 1840. Il est expert dans tous les procédés de gravure, avec une préférence pour le travail sur bois. Il exécute à partir des années 1860 de nombreuses xylogravures, signées «A. Léveillé», pour des périodiques comme Le Magasin pittoresque, L’Univers illustré, L’Art (à partir de 1875), la Revue illustrée, Le Monde illustré, ou la Gazette des beaux-arts. Il grave également de nombreuses vignettes pour des livres illustrés, dont des vues anatomiques pour des traités de médecine. Son travail de peintre est montré au Salon de 1873. Avant 1892, il produit pour la Banque de France le recto d’une coupure de réserve, imprimée en prévision d’une trop forte augmentation de la contrefaçon. Il devient à partir des années 1880 l’un des graveurs des œuvres sculptées d’Auguste Rodin. Il grave, d’après des dessins de Julien Le Blant, 110 illustrations pour Les Chouans d’Honoré de Balzac, 161 pour Le Chevalier de Maison Rouge d’Alexandre Dumas, 50 pour Enfant perdu 1814 de Gustave Toudouze et encore quelques-unes pour La vengeance des Peaux-de-Bique du même Gustave Toudouze. Il meurt le 12 avril 1900 au boulevard du Montparnasse à Paris.
Résumé
Le roman a pour cadre la fin de la campagne de France, au début de l’année 1814, pendant laquelle Napoléon Ier tente d’arrêter l’invasion de la France par les alliés européens et de conserver son trône. Malgré plusieurs victoires et après l’entrée des troupes prussiennes et russes dans Paris, l’empereur va abdiquer le 6 avril 1814 et partir en exil à l’île d’Elbe. Un des derniers chapitres du livre raconte la bataille de Fère-Champenoise, le 25 mars 1814, qui s’est soldée par la défaite de l’armée française et a ouvert, aux troupes de la coalition, la route de Paris. Toudouze fait vivre à ses héros le fameux épisode où les généraux Pacthod et Delort, qui commandaient les deux derniers carrés français, avaient pourtant réussi, grâce à leur bravoure, à repousser l’assaut ennemi. Julien Le Blant avait traité ce même sujet en 1886 avec son tableau Le combat de Fère-Champenoise.
Le terme d’Enfants Perdus, utilisé dans le titre, fait référence à un surnom que l’on donnait à des groupes de partisans ou de corps francs. On peut donc imaginer l’intérêt qu’a eu Julien Le Blant à illustrer ce roman de Toudouze. Comme le héros de l’histoire qui quitte son lycée à 17 ans pour s’engager dans un corps franc, Julien Le Blant avait aussi été un « Enfant Perdu » en 1870 lorsqu’il avait abandonné ses études d’architecture pour défendre Paris dans le corps franc de Paul de Jouvencel.
Le jeune héros du roman,
Marius Mahot, rêve de défendre sa patrie mais, en fervent républicain, il ne
souhaite pas se mettre directement au service de l’empereur. Il en veut d’ailleurs
terriblement à ce dernier d’avoir injustement condamné son père. Avec l’aide de
son majordome Louis Popin, il va monter une petite compagnie de dix hommes qui,
par sa bravoure, va rendre de précieux services à la Grande Armée.
Critiques de l’époque
« Le livre que M. Gustave Toudouze vient d’écrire sous le titre Enfant perdu prendra place au premier rang des ouvrages à mettre entre les mains des jeunes gens. C’est une histoire patriotique que le cœur a inspirée, mais la raison a guide la plume de l’écrivain, et il se dégage de son chaleureux et vibrant récit une liante moralité. L’action se passe en 1814 l’année de la terrible invasion. Le héros du livre est un jeune collégien, Marius Mahot, fils d’un républicain au cœur chaud, à l’âme enthousiaste, et qui a été exilé par Fouché obéissant aux ordres de l’empereur. A seize ans, Marius Mahot, apprenant que l’ennemi foule le sol de la patrie, s’engage dans le bataillon des Enfants perdus. C’est au récit de ses exploits que le livre est consacré. Marius a le cœur vaillant et le bras fort; sa conduite est constamment digne d’éloges. C’est toujours l’amour de son pays qui le guide ; il puise dans ce sentiment une force toujours renaissante. M. Gustave Toudouze a su répandre avec la plus grande habileté l’intérêt dans tout le cours de son livre. On devine là le romancier habitué à dresser une intrigue. Il y a dans Enfant perdu des pages très dramatiques ; il y en a de vraiment charmantes. Les types de troupiers qui composent le bataillon des Enfants perdus sont crayonnés avec couleur et vivacité. A diverses reprises, la silhouette de Napoléon apparaît, saisissante et pleine de grandeur. Mais j’ajoute tout de suite que Gustave Toudouze ne donne pas dans l’aveugle légende napoléonienne ; il y a, je l’ai dit, une grande raison dans son livre. Il y a de curieux portraits : celui du père de Marius qu’on voit apparaître, à la fin du livre, sur un champ de bataille où il retrouve son fils blessé ; celui d’un professeur de rhétorique, nourri de Tacite, de la bonne moëlle romaine, et qui dit à ses élèves des choses fort éloquentes sur l’ambition coupable de Napoléon. En composant un récit destiné à la jeunesse, Gustave Toudouze a voulu rester bon écrivain ; son livre est écrit dans une langue très élégante. La trame du récit se déroule avec art ; les péripéties se succèdent avec vraisemblance. Il y a parfois de la gaité, bien que la plupart des tableaux nous montrent la France se débattant au milieu de l’invasion. Mais un invincible espoir anime l’âme des personnages et communique au livre comme une sorte d’allégresse. Le patriotisme a vraiment porté bonheur à M. Gustave Toudouze. Le texte d’Enfant est accompagné de dessins dus à M. Julien Le Blant, habile à reproduire avec fidélité les scènes militaires. Il a mis dans cette nouvelle illustration le souci de l’exactitude et une grande variété. » (La Petite Gironde 11 mars 1895)
« C’est une œuvre émouvante et patriotique que Gustave Toudouze a écrite spécialement pour la jeunesse. Il nous montre, à côté de l’héroïsme d’un rhétoricien courant au secours de ta patrie en danger, le patriotisme d’une mère, d’une sœur, d’une fiancée, d’un proscrit ; il nous retrace leurs émotions au milieu des dramatiques péripéties de l’invasion de 1814, sans que ses héros perdent leur gaîté toute française, môme dans les situations les plus désespérées. Au charme d’un passionnant roman d’aventures s’ajoute l’impression saisissante de la réalité. Les dessins de J. Le Blant, le maître artiste qui comprend d’une façon si juste les époques pittoresques, donne une valeur toute spéciale à ce livre si intéressant. Le passage de Napoléon au milieu des éclairs, entraînant tant d’hommes à la mort, entre la tempête du ciel et la tempête de la bataille, est, une composition absolument remarquable. (Judith Gauthier – Le Rappel 12 décembre 1894)
« Un rhétoricien (et nous sommes en 1814) vole au secours de la patrie en péril ; une mère, une sœur, une fiancée partagent ses émotions et parfois ses périls. C’est l’invasion, la campagne de France et Napoléon. Le récit n’est point mélancolique ; un ton de bravoure plutôt l’anime, tandis que par une interprétation superbe l’artiste élevé le roman jusqu’à l’œuvre d’art. » (La Souveraineté nationale 30 décembre 1894)
« Pour son « Enfant perdu (1814) », M. Gustave Toudouze a eu, pour collaborateur par le crayon, le maître-peintre Julien Le Blant. Cette histoire d’un fils de proscrit, un tout jeune homme, qui forme, avec l’aide d’un vieux grognard, une vaillante petite troupe de défenseurs, presque enfants, du sol natal envahi, abonde en péripéties captivantes. » (La Vie contemporaine)
Le 6 décembre, une vente des cinquante dessins
d’illustration pour Enfant perdu 1814 de Gustave Toudouze ainsi que des
trois du Talisman de Walter Scott rapportent à Julien Le Blant
14’555 francs, une belle somme sachant qu’à la même période, Claude Monet fait
frémir tout Paris en demandant le même prix, 15’000 francs, pour chacune de ses
Cathédrales.
A Paris, chez Hachette et Cie,
1898, 1898. In-4, 12 planches hors-texte en couleurs et 12 en-têtes et
culs-de-lampe d’après les aquarelles de Julien Le Blant, couverture et 12
frontispices d’après les aquarelles de Giraldon.
Résumé
L’ouvrage est basé sur les souvenirs de Louis de Pontis,
qui a servi dans les armées cinquante-six ans, sous les rois Henri IV, Louis
XIII et Louis XIV.
À seize ans Louis de Pontis
embrassa la profession des armes ; il obtint de Louis XIII une lieutenance dans
les gardes, puis une compagnie. Les nombreuses occasions où il s’était signalé
par sa bravoure et sa prudence lui avaient aussi valu l’agrément du roi pour
l’acquisition de la charge de commissaire général des Suisses, mais il fut
obligé d’y renoncer, à cause des obstacles que lui suscita le cardinal de
Richelieu, au service duquel il avait refusé d’entrer.
Employé dans les Pays-Bas et
en Allemagne, il servit 56 ans dans les armées du roi et venait d’être nommé
maréchal de bataille lorsque des revers de fortune, la mort d’un de ses
meilleurs amis Henri II de Montmorency et le dégoût du monde lui inspirèrent le
projet de se retirer dans la maison de Port-Royal des Champs, où il termina sa
vie, au milieu des pratiques de la prière et de la pénitence.
Ses Mémoires, éditées en 1676
par Du Fossé d’après ses récits, ont été réimprimées plusieurs fois. Ecrites
d’un style facile et naturel, elles dépeignent le cardinal de Richelieu avec
noirceur. Il semble, suivant l’opinion de Grosley, avoir eu pour but d’offrir
un modèle de conduite aux officiers dans toutes les circonstances où le sort
peut les placer. Mais le père d’Avrigny et Voltaire ont eu tort de conclure que
Pontis n’avait pas existé. Sa famille était très connue en Provence, et
lui-même, considéré à son époque comme le plus courageux militaire français. Son
portrait a été gravé d’après un tableau de Philippe de Champaigne, et
l’épitaphe de son tombeau est rapportée dans le Nécrologe de Port-Royal.
Critiques de l’époque
« Les Mémoires du sieur de Pontis. En 1650, le sieur de Pontis, qui n’avait jamais cessé d’être honnête homme et bon chrétien, commença de faire sur sa vie quelques réflexions sérieuses. Il allait avoir bientôt soixante-dix ans et en avait passé cinquante-six dans les armées. De ces longs travaux, que lui était-il revenu ? Beaucoup de fatigues et quelques rares avantages, toujours ex posés aux retours de la fortune. Allons ! le temps était venu pour lui de faire une fin et de quitter les choses qui passent pour se consacrer tout entier au souci de son salut. — Deux ans après, Pontis se retirait à Port-Royal. Mais, en renonçant au monde, le vieux soldat ne renonçait pas à ses souvenirs. L’un des plus jeûnes parmi les solitaires, le modeste et savant Thomas du Fossé, aimait à les lui faire raconter, et, comme ses récits étaient pleins de verdeur et de couleur, comme ils ne blessaient jamais la modestie ni le bon goût, il amena insensiblement le vieillard à les lui répéter plusieurs fois, de manière à les transcrire, pour ainsi dire, sous sa dictée. Quand ces Mémoires parurent (1676), six ans après la mort de Pontis, ce fut un enchantement. Mme de Sévigné avoue qu’elle ne peut s’en détacher. C’est qu’aussi la vie militaire d’un demi-siècle s’y trouve ressuscitée. Et quelle curieuse époque ! toute pleine encore de l’esprit de tumulte du siècle précédent. C’est le temps d’Henri IV et de Louis XIII, le temps où les plus honnêtes gentilshommes, quand ils ne trouvent pas d’emplois dans l’armée du Roi, ne se font pas faute d’entrer dans celle d’un, autre prince, au besoin de lever eux-mêmes une troupe de braves gens disposés à bien faire et à vivre le mieux du monde en tenant la campagne et en rançonnant le campagnard. C’est le beau temps des duels et des coups de main, des embuscades criminelles et des héroïques folies. C’est le temps des Trois Mousquetaires. Et, en effet, c’est bien-à Dumas père et, à ses héros que songera tout de suite le lecteur moderne en lisant les scènes amusantes et pathétiques qui se déroulent à travers ces Mémoires. Mais c’est, cette fois, un Dumas qui a vu de ses yeux ce qu’il raconte et donné lui-même les beaux coups d’épée qui-nous émerveillent. Revus avec le plus grand soin sur la première édition, devenue très rare et dont, à l’exception de quelques passages d’un moindre intérêt, nous reproduisons intégralement le texte, les récits de ce soldat de jadis ne pourront manquer d’intéresser nos jeunes gens d’aujourd’hui, les soldats de demain. » (Le Figaro 22 décembre 1897)
« Les Mémoires du sieur de
Pontis, abrégés, et publiés par J. Servier, rappelleront à tous les lecteurs le
principal personnage de deux romans célèbres d’Auguste Maquet : La Belle
Gabrielle et La Maison du Baigneur. Ces précieux et intéressants « Mémoires »,
illustrés de 12 planches hors texte en couleurs et 24 gravures dans le texte,
d’après les aquarelles de Julien Le Blant, ne nous révèlent pas seulement la
vie d’un vieux soldat tout entière consacrée à la France, c’est aussi la
peinture d’une curieuse époque, toute pleine de l’esprit de tumulte du siècle
précédent ; peinture rendue plus vivante encore par les 86 gravures en couleurs
qui illustrent le texte, d’après les aquarelles de Julien Le Blant. » (L’Intransigeant)
« La vie militaire d’un demi-siècle
se trouve ressuscitée dans les Mémoires du Sieur de Pontis. Quelle curieuse
époque ces mémoires dépeignent ! toute pleine encore de l’esprit de tumulte des
règnes précédents : c’est le temps d’Henri IV et de Richelieu, mais non pas
encore celui de Louvoie; c’est le temps où les plus honnêtes gentilshommes,
quand ils ne trouvent pas d’emploi dans l’armée du roi, ne se font pas faute d’entrer
dans celle d’un autre prince, au besoin de lever eux-mêmes une troupe de braves
gens disposés à bien faire et à vivre le mieux du monde en tenant la campagne et
en rançonnant le campagnard : n’est le beau temps des duels, des coups de mal
des embuscades criminelles et des héroïques folies. C’est le temps des Trois Mousquetaires.
Et en effet, c’est bien è Dumas père et à ses héros que les scènes qui se
déroulent à travers ces Mémoires feront tout de suite songer le lecteur
moderne. Mais c’est cette fois un Dumas qui a vu de ses yeux ce qu’il raconte
et donné lui-même les beaux coups d’épée qui nous émerveillent. Si jamais
l’Illustration en couleurs qui fait revivre à nos yeux non seulement les
personnages, mais les costumes dans ce qu’ils ont de plus pittoresque, s’est
trouvée bien à sa place, c’est assurément en un pareil volume, et rarement
aussi le grand artiste qu’est J. Le Blant aura rencontré sujet plus en harmonie
avec son talent. » (La Gazette)
« Les Mémoires du sieur de Pontis ne nous révèlent pas seulement la
vie d’un vieux soldat tout entière consacrée à la France et à son roi Louis
XIII ; c’est aussi la peinture d’une curieuse époque, toute pleine de l’esprit de
tumulte du siècle précédent ; peinture rendue plus vivante encore par les 36
gravures en couleur qui illustrent le texte, d’après les aquarelles de Julien Le
Blant. Ce livre tient à la fois du roman et de l’histoire, et le sieur de
Pontis est un mousquetaire d’A. Dumas qui a vu de ses yeux ce qu’il raconte et
donne lui-même les beaux coups d’épée qui nous émerveillent. » (La
Revue chrétienne)
« À notre époque positive, où l’énergie des citoyens s’applique
uniquement à accroître leurs richesses et à assurer leur bien-être matériel, on
éprouve comme un sentiment de fierté à regarder ce que furent nos aïeux, les
exploits qu’ils accomplirent, comme ils surent bravement mourir pour leur Dieu,
pour leur Roi ou pour leur Dame. Le seigneur de Pontis, qui guerroyait au temps
de M. le Cardinal, était un de ces héros. Les mémoires qu’il a laissés sont
aussi attachants et variés qu’un roman d’aventures. Deux cents ans avant
Marbot, il montra une égale vaillance dans l’action et, dans le récit, une
égale belle humeur, avec un tant soi peu de hâblerie. Cela est proprement
délicieux. […] Vingt épisodes seraient à citer : les furieux coups d’épée de
Pontis, ses duels dont retentissaient la cour et la ville et une certaine
querelle avec son mestre de camp qui faillit lui faire perdre la faveur de Sa
Majesté. Ces pages, illustrées par le crayon de Giraldon et le pinceau de Le
Blant, sont un régal auquel tout le monde trouve son profit, les petits et les
grands, les simples et les philosophes.» (Les Annales politiques et
littéraires)
À l’origine des Trois Mousquetaires
« M. J. Servier a eu l’idée de rééditer les Mémoires du sieur de Pontis. Ce fut une bonne idée, dont l’exécution était délicate, puisqu’il fallait, par des coupures et rajeunissements, les mettre au point de la curiosité actuelle, mais qui fut heureuse. Songez en effet que ces Mémoires eurent pendant plus d’un siècle une vague exactement égale à celle de leur génial bâtard le roman des Trois Mousquetaires. Au témoignage même de Voltaire qui contestait en vain et à faux leur authenticité, ils firent leur tour d’Europe. « Les jeunes barons allemands, dit-il quelque part sur un ton de persiflage où perce la jalousie de l’auteur des chapitres, des anecdotes dans le Siècle de Loups, XIV, les palatins polonais, Les dames de Stockholm et de Copenhague, les lisent, et croient y apprendre ce qui s’est passé de plus secret à la cour de France ». Ils n’étaient pas si dupes, car si Pontis n’a pas tenu la plume et si, de ce chef, son langage n’a pas la saveur acre des Cahiers du capitaine Cogniet, du moins son secrétaire probable, Thomas Dufossé écrivit-il sous sa dictée, à Port-Royal, et nous garda-t-il tout le costume du temps, toute la grande allure du style Louisquatorzien, et l’accent même du héros. Car c’en est un, et des plus curieux que cet officier de fortune de l’ancien régime qui ne dépassa jamais le grade de capitaine des gardes de Sa Majesté ; malgré ses prodigieux services. Et comme elle en dit long sur les mœurs et toute la vie organique de l’armée de l’ancien régime, sa curieuse odyssée. Imaginez un d’Artagnan qui aurait réellement vécu ses prouesses, tour à tour chef de partisans à la solde de princes étrangers, gagnant lentement ses galons à la pointe de l’épée, sur tous les : champs de bataille des guerres de religion et de la guerre de Trente Ans, prisonnier de guerre en Allemagne, honoré par raccroc de caractéristiques confidences des puissances, y compris le roi, redresseur de torts, à l’occasion, dans ses congés, brave a la plus admirable intrépidité, au reste souple de l’esprit mais non de l’échine, ce qui explique assez la médiocrité de son avancement, et qui finira dévotement sa vie dans la solitude de Port-Royal, laissant compter sur son athlétique cadavre les cicatrices de vingt-deux blessures. En vérité, je ne sais rien de plus curieusement documentaire sur la vie militaire sous l’ancien régime que ces mémoires de notre mousquetaire provençal, marqués au sceau de la plus cl air voyante sincérité et de la plus humoristique crânerie. Et on comprend sans peine que leur succès ait éclipsé celui des Mémoires du comte de Rochefort et même des Mémoires de M. d’Artagnan, œuvre de l’imagination de Sandras de Courtilz qui suggérera l’épopée des Trois Mousquetaires. La présente édition mérite un regain de cette curiosité séculaire. Toutes les discussions et dissertations de piété, de morale ou d’histoire trop connue qui faisaient longueur dans l’édition primitive, à notre goût du moins, sinon à celui plus robuste de nos aïeux, a été retranché sans qu’il en coûte rien à l’intérêt du fond ni de la forme. Celle-ci, je m’en suis assuré et voyez s’il fallait que le livre m’intéressât — n’a été rajeunie que juste dans la mesure nécessaire, c’est-à-dire par une opportune transformation du style périodique et oratoire de l’auteur en style plus coupé et plus dialogué, ce qui fut l’affaire de quelques points et tirets et petits mots de suture, par la substitution de quelques termes plus modernes à ceux dont l’archaïsme risquait de faire écran au sens non sans respecter d’ailleurs ceux de ces termes archaïques ou techniques dont le pittoresque ne se pouvait effacer sans profanation, quitte à les expliquer par une note rapide. Bref, tout ce travail de rajeunissement a été d’une discrétion égale à celle de la plus pieuse des restaurations archéologiques. Les aquarelles de M. Julien le Blant ont fait le reste, mariant étroitement leur pittoresque et même leur esprit à ceux du texte. Voilà un bel et bon livre d’étrennes pour nos rhétoriciens et un précieux supplément au cours de leur professeur d’histoire. » (Le XIXe siècle 15 décembre 1897)
Les Prisonniers du Caucase de Xavier de Maistre avec neuf compositions de Julien Le Blant, gravées à l’eau-forte par Louis Müller. La préface de l’ouvrage est écrite par Léo Claretie. L’ouvrage, tiré à 500 exemplaires numérotés, est édité en 1897 par A. Ferroud pour la librairie des Amateurs.
Julien Le Blant a réalisé neuf dessins
pour une réédition luxueuse des Prisonniers
du Caucase, roman écrit en 1824 par Xavier de Maistre. Xavier de Maistre, né
à Chambéry en 1763, est un grand écrivain et peintre. Il a aussi été général au
service du tsar Alexandre Ier pour lequel il a combattu aux confins de l’empire
russe. Les Prisonniers du Caucase, un récit riche en rebondissements qui
mêle de façon heureuse réalisme psychologique et pittoresque de l’intrigue, a
été écrit à la suite de ces périples.
Le graveur de l’ouvrage, Louis
Müller, est né à Vénissieux le 22 février 1902, est l’élève d’importants
graveurs comme Henri-Auguste-Jules Patey, Henri Bouchard et Henri Dropsy. En 1895,
il réalise neuf gravures pour La mort du
Duc d’Enghien de Léon Hennique d’après des dessins de Le Blant. En 1929, il
reçoit le second prix de Rome de gravure en médailles et pierres fines et, en
1932, le premier prix. Il meurt à Antony en 1957.
Résumé
Alors qu’il se rend dans les gorges du Caucase afin de prendre son poste, le major Kascambo tombe en embuscade et devient prisonnier des Tchetchenges. Craignant des représailles, ces derniers font conduire le major dans un village éloigné, chez les montagnards, pieds nus et enchaîné. Yvan, son « denchik », domestique soldat, apprenant le sort de son maître, veut à tout prix être auprès de lui et se constitue prisonnier. On oblige bientôt Kascambo à rédiger des lettres aux autorités Russes, afin de demander une rançon en échange de sa vie sauve. Mais le temps s’écoule et rien ne vient, il subit les pires traitements, ne trouvant de répit qu’en jouant, parfois, à la guitare pour amuser son geôlier et accompagner Yvan qui danse. Celui-ci n’aura de cesse de chercher le moyen de libérer le major Kascambo, gagnant la confiance des geôliers, des autres habitants, allant jusqu’à se convertir pour apaiser leur méfiance et les accompagner lors de certains méfaits. Belle histoire d’hommes que cette anecdote tirée des œuvres de Xavier de Maistre, présentée ici sous la forme d’un petit livre d’une édition ancienne. L’auteur nous fait découvrir l’âme cruelle des Tchetchenges, avides de batailles et de pillages, de rançons en échange des prisonniers. La volonté d’Yvan, sa fidélité à toute épreuve et sa loyauté sont une magnifique leçon de courage.
Critiques de l’époque
« On ne leur avait pas fait
encore les honneurs d’une édition vraiment luxueuse. Est-ce par esprit de
clocher que Ferroud a voulu contribuer à glorifier ainsi son compatriote ? je
crois plus volontiers que c’est parce qu’en éditeur avisé et plein de goût il a
senti quel beau livre pouvait naître de la collaboration d’un artiste tel que
Julien Le Blant, et d’un écrivain comme Xavier de Maistre. Et il ne s’est pas
trompé, car les Prisonniers du Caucase réunissent toutes les qualités que peut
exiger un bibliophile délicat. Les neuf compositions de M. Le Blant sont bien
ordonnées ; il y a beaucoup de naturel, de vie et de simplicité dans ces petits
tableaux où se meuvent ces farouches Tchetchenges. Il serait injuste de ne pas
ajouter que le talent du peintre a été aussi heureusement servi par celui du
graveur, M. Louis Müller, qui a interprété habilement les compositions et en a
très bien rendu la couleur. » (Le Bulletin du bibliophile)
Voici encore un superbe
volume qui vient s’ajouter à la collection déjà si riche et si recherchée des
livres édités par Ferroud. Les Prisonniers du Caucase nous sont présentés par
M. Léo Claretie, dans une longue préface, très nourrie, où fourmillent les
détails et les renseignements sur la vie si peu connue du célèbre écrivain. Xavier
de Maistre est certainement l’un des auteurs les plus lus, ses œuvres ou du
moins certaines de ses œuvres ont été souvent réimprimées, et l’on peut
s’étonner, avec M. Léo Glaretie, que la vie de l’auteur du Voyage autour de ma
chambre n’ait pas tenté davantage les biographes et les chercheurs de
documents. On connaît, dans ses grandes lignes, certains épisodes de son
existence, mais en est-il beaucoup, par exemple, qui sachent que les débuts de
Xavier de Maistre dans la carrière des lettres furent le fameux prospectus
qu’il rédigea à l’occasion de l’ascension du premier aérostat lancé par les
frères Montgolfîer. Savait-on que lui-même monta dans la nacelle de ce ballon
et qu’au moment solennel du Lâchez tout il tint fidèlement la promesse qu’il
avait faite dans son propectus. « Le ballon, dit ce document, s’enlèvera au
signal de « Honneur aux dames ». Les aéronautes, c’est convenu,
recevront à leur retour l’accolade des spectatrices. » M. Claretie affirme que
les dames tinrent aussi leur promesse. Le préfacier nous conte encore bien
d’autres anecdotes sur Xavier de Maistre qui, s’il fut aérostier par occasion,
cultiva la peinture, fit la guerre et écrivit d’excellents livres. Avec le
« Voyage autour de ma chambre », les « Prisonniers du Caucase »
sont le plus célèbre écrit de l’auteur. On a lu et relu ces scènes si
pittoresques de la vie Caucasienne, mais jusqu’à présent on ne leur avait pas
fait encore les honneurs d’une édition vraiment luxueuse. Est-ce par esprit de
clocher que Ferroud a voulu contribuer à glorifier ainsi son compatriote ? je
crois plus volontiers que c’est parce qu’en éditeur avisé et plein de goût il a
senti quel beau livre pouvait naître de la collaboration d’un artiste tel que
Julien Le Blant et d’un écrivain comme Xavier de Maistre. Et il ne s’est pas
trompé, car les Prisonniers du Caucase réunissent toutes les qualités que peut
exiger un bibliophile délicat. Les neuf compositions de M. Le Blant sont bien
ordonnées ; il y a beaucoup de naturel, de vie et de simplicité dans ces petits
tableaux où se meuvent ces farouches Tchetchenges. Il serait injuste de ne pas
ajouter que le talent du peintre a été aussi heureusement servi par celui du
graveur, M. Louis Muller, qui a interprété habilement les compositions et en a
très bien rendu la couleur.
G. V. (Bulletin du bibliophile
et du bibliothécaire 1897)
1886 Mauprat de George Sand. Edition A. Quantin, 1886 avec dix compositions par Le Blant, gravées à l’eau-forte par Henri Toussaint.
Les éditions Quantin commandent
à Julien Le Blant dix dessins pour illustrer une édition de luxe de
« Mauprat », écrit en 1837 par George Sand. Ces illustrations sont réalisées à l’eau-forte par Henri
Toussaint. Le graveur Henri Toussaint est né à Paris le 10 avril 1849. Il s’est
fait remarquer au Salon de Paris en 1874, puis a été récompensé par des
médailles de bronze en 1884 ainsi qu’aux expositions universelles de 1899 et
1900. Il est surtout connu pour ses nombreuses estampes représentant
l’architecture de Paris et de villes de province. On lui doit également de
belles études sur Oxford, Cambridge et Liverpool, notamment. Henri Toussaint
meurt à Paris le 25 septembre 1911.
Le roman raconte une histoire qui se déroule pour la
majeure partie dans le Berry à l’aube de la Révolution française au XVIIIe
siècle. Un jeune garçon issu d’une famille de seigneurs cruels, les Mauprat,
échappe peu à peu à son lourd héritage familial grâce à l’amour qu’il éprouve
pour sa cousine, nettement plus civilisée que lui. Si Mauprat est avant tout un
roman d’amour et une histoire de famille, c’est aussi un roman d’éducation, une
fable philosophique et un manifeste féminin.
Résumé
Bernard de Mauprat a perdu ses parents à l’âge de sept ans. Il est alors tombé sous la dépendance de son oncle Tristan de Mauprat et de ses deux fils qui se sont appliqués à le pervertir. Ces trois hommes, derniers rejetons d’une noblesse féodale sauvage et cruelle, vivent de rapines et terrorisent leur voisinage. Edmée de Mauprat, cousine de Bernard, s’étant malheureusement égarée du côté de la demeure des Mauprat, est capturée par ces derniers. Ces monstres poussent Bernard à violer sa cousine. Abruti par l’alcool, Bernard tente de s’exécuter, mais la jeune fille parvient à le contenir et l’amène à fuir le château avec elle. A ce moment, le repaire des Mauprat est attaqué par la Maréchaussée. La bâtisse brûle et les oncles de Bernard passent pour morts. Le jeune homme est recueilli par le Chevalier Hubert, père d’Edmée. Bernard consent à se civiliser et à faire des études pour plaire à Edmée et qu’elle accepte de l’épouser. Mais comme, malgré tous ces efforts, elle refuse toujours, il part pour l’Amérique avec l’armée de Lafayette. Il y demeure six ans. Lorsqu’il revient en France, et qu’il retrouve Edmée solitaire, il la demande une nouvelle fois en mariage mais elle refuse encore. Ils se disputent violemment. Peu après, Edmée est abattue d’un coup de fusil au cours d’une chasse. Bernard est tout de suite soupçonné d’avoir commis le crime et il est jeté en prison. Edmée, remise, intercède pour lui. On découvre ensuite le vrai coupable : il s’agit d’Antoine de Mauprat qui n’était pas mort dans l’incendie de son château. Après cette ultime épreuve, Edmée décide que Bernard est enfin digne d’elle. Ils se marient et vivent heureux malgré les tremblements de la Révolution.
Critiques de l’époque
« Mauprat est le quatrième volume paru dans cette collection des chefs-d’œuvre et, à notre avis, c’est le plus parfait en tous points sous le rapport de la forme artistique. La typographie est remarquable, le caractère de neuf Didot, spécialement gravé pour la maison Quantin, est net, saillant et par conséquent délicieux à l’œil. Le papier du Marais a été très légèrement teinté et n’a plus les tons crayeux des premiers volumes ; l’amélioration est indéniable et l’éditeur a bien fait de céder sur ce point à l’opinion des amateurs qui n’aiment pas, avec raison, trouver au papier de leurs livres de choix le ton brutal d’un plastron de chemise blanche. Il est nécessaire à l’harmonie d’un livre que la teinte du papier soit sobre, douce avec quelque chose de cette patine de l’ivoire que donne le temps. Mauprat réalise cet idéal.
Il serait superflu de revenir sur le mérite littéraire de cette grande
œuvre Mauprat, deux fois célèbre par le roman et par le drame. Le côté épique
de cette fiction magistrale est resté dans l’esprit de tous et il ne nous reste
qu’à envier le plaisir de ceux qui auront la virginité de cette lecture dans le
bel ouvrage publié par la maison Quantin. Ce que nous tenons à louer avant
toute chose dans ce livre, c’est l’interprétation de M. J. Le Blant qui a
réalisé en véritable artiste les principales scènes du chef-d’œuvre de George
Sand.
Le peintre des Chouans était bien l’illustrateur désigné pour Mauprat;
son tempérament, non moins que les études où il s’est spécialisé, le
préparaient à la compréhension intime de cet ouvrage; aussi vient-il de s’y
montrer supérieur, soit qu’il ait eu à traiter des pages sentimentales, soit
que son crayon se soit mis en mouvement pour peindre les actions mouvementées
et tragiques du drame. Il a procédé en tout et pour tout avec une rare
simplicité et il a tiré de sa manière des effets surprenants, tour à tour émus
ou poignants. Il n’est point, par exemple, de composition plus touchante que
celle qui représente Edmée au chevet de Bernard Mauprat, ni de plus largement
dramatique que ce joli tableau digne d’un maitre où l’on voit l’escalade de la
Roche-Mauprat. Le dessin de M. Le Blant est large, très aéré et toujours
consciencieux et précis. Il ne fignole pas ses personnages jusqu’à préciser les
moindres détails de costume, mais il se réserve pour l’ensemble qui reste
séduisant et impeccable.
M. Le Blant a d’ailleurs trouvé dans M. Henri Toussaint,
l’aquafortiste, un interprète habile et très ingénieux qui a eu le rare mérite
de graver dans la manière même du peintre ses grandes pages au fusain. Ses dix
eaux-fortes sont délicieuses, fines et vigoureuses en même temps, d’une facture
indépendante sans trop de burin ou de pointe. Il a droit à toutes les
félicitations des connaisseurs. »
(Revue du monde littéraire)
« La maison Quantin, qui vient d’être réorganisée, continue « la Bibliothèque de luxe des chefs-d’œuvre du roman contemporain ». Après Madame Bovary, Monsieur de Camors et le Père Goriot, voici Mauprat avec dix compositions de Julien Le Blant, gravées à l’eau-forte par H. Toussaint. Le jeune peintre des chouans était tout désigné pour l’illustration de l’admirable roman de George Sand, « le chef-d’œuvre, disait Ernest Bersot, du plus grand écrivain du dix-neuvième siècle » ; il a apporté dans ces compositions toutes les rares qualités ; dessin alerte et sûr, verve spirituelle, interprétation charmante du paysage, intelligence des caractères, que la critique d’art a souvent appréciées en lui. On remarquera surtout parmi ces dix quadro que M. Toussaint a gravés avec une habileté peu commune, celui qui figure Edmée de Mauprat repoussant Bernard de sa cravache — cette scène est traitée comme un petit tableau d’histoire — et celui qui représente Bernard portant Edmée à l’autre bord du ruisseau, — Watteau, plus rustique et moins champêtre, eût signé cette page exquise. Cette composition délicieuse révèle même un côté nouveau du talent de M. Julien Le Blant; on savait son pinceau habile à traiter les scènes de la vie violente et dramatique ; on découvre que son crayon a toutes les délicatesses que réclament les églogues et les idylles. L’exécution typographique, comme celle des précédents volumes, mérite les suffrages des bibliophiles les plus sévères. » (La République française 4 avril 1886)
Pourtant, à en croire le journaliste de l’Intransigeant, tout n’a pas été facile entre l’illustrateur et l’éditeur.
« Quelques détails empruntés au bulletin de la librairie Quantin
donneront à nos lecteurs une idée exacte des soins consciencieux apportés par
cette maison à l’exécution
matérielle et artistique de ses publications : M. Julien Le Blant, le peintre
que ses nombreux succès aux Salons et surtout l’Exécution de Charette à Nantes
venaient de rendre populaire, nous avait manifesté le désir d’illustrer les
Chouans. Nous n’avions pas pensé devoir faire entrer cet ouvrage dans notre
collection et pour trouver, dans un ordre d’idées à peu près semblables, un
sujet qui convînt également au talent de M. Le Blant, nous lui avions proposé
d’illustrer Mauprat. Les choses acceptées et convenues, quand M. Le Blant nous
apporta ses compositions, nous crûmes devoir lui demander des retouches assez
importantes sur deux d’entre elles. De bonne foi et en galant homme, l’artiste
prétendit qu’il avait étudié longuement chaque composition, qu’il n’avait pas
craint de recommencer plusieurs dessins, que tous étaient maintenant, après, le
soin et le temps qu’il y avait mis, l’expression convaincue de son sentiment
artistique et qu’il ne pouvait rien y changer. Rien de plus juste ! Juste aussi
nous semblait notre façon, de voir. Le cas devenant
litigieux, il n’y avait qu’à prendre un arbitre. Un des maîtres de la peinture
moderne, M. Chaplin, consentit à jouer ce rôle et il s’en acquitta avec sa
bonne grâce et son tact accoutumés. En réalité, il donna gain de cause à M. Le
Blant, qui ne fit aux dessins en question que des retouches insignifiantes.
Cette petite histoire n’a d’autre intérêt que de prouver aux amateurs,
l’occasion s’en présentant, avec quel souci du mieux nous établissons nos
ouvrages. Nous pouvons nous tromper, mais nous sommes en droit d’affirmer que
nous avons le respect du public et que nous ne livrons pas en échange de son
argent une marchandise quelconque. » (L’Intransigeant
14 avril 1886)
Mauprat a été réédité en 2008 par Nicole Mozet, avec les Illustrations
de Julien Le Blant, aux éditions Simarre dans la collection « Le
Voyage immobile ».
Mauprat a aussi connu une version cinématographique réalisée par Jean
Epstein en 1926, ainsi qu’une version en téléfilm de deux épisodes réalisé par
Jacques Trébouta et diffusé sur la Première chaîne les 7 et 8 janvier 1972.
Cette pièce en trois tableaux
a été écrite par Léon Hennique et illustrée par Julien Le Blant. Elle a été
tirée à 300 exemplaires numérotés. Julien Le Blant a réalisé 9 eaux-fortes
hors-texte, gravées par Louis Müller, et 35 croquis dans le texte. L’ouvrage (in-8)
est édité par Émile Testard Éditeur pour la Librairie de l’Édition Nationale
dans la Collection Des Dix en 1895.
Résumé
Elle raconte l’histoire tragique de Louis-Antoine de Bourbon-Condé, duc d’Enghien. Ce personnage historique fut arrêté et exécuté car soupçonné de fomenter un complot contre Napoléon. En 1804, la police de Napoléon Bonaparte, Premier consul de la République, découvre une conspiration ourdie en Angleterre pour remettre les Bourbons sur le trône de France. Napoléon décide de faire enlever le duc d’Enghien, accusé à tort d’être le chef de la conspiration. Le duc est presque immédiatement traduit devant un conseil de guerre. Après un simulacre de jugement, il est condamné à mort et fusillé dans les fossés du château de Vincennes le 21 mars 1804. Son corps est jeté dans une tombe creusée à l’avance au pied du pavillon de la Reine. Dans ses Mémoires d’outre-tombe (1848), Chateaubriand écrit des pages sur l’exécution du duc d’Enghien, qui l’a profondément marqué. À l’image des généraux vendéens, son souvenir reste aujourd’hui vivace dans les milieux royalistes.
Léon Hennique est né en 1850
en Guadeloupe. Il fut l’exécuteur testamentaire des Frères Goncourt et c’est
lui qui fondera l’Académie Goncourt qui s’appellera l’Académie des Dix, plus
connu aujourd’hui sous le nom de Prix Goncourt. Léon Hennique est membre du
groupe de Médan avec Guy de Maupassant, Joris-Karl Huysmans et dont Émile Zola
est le chef de file. Ce petit groupe d’écrivains cherche à poursuivre, à
travers leurs œuvres, l’élan naturaliste insufflé par Zola. Ils souhaitent
transcrire les réalités de la société dans laquelle ils vivent et n’hésitent
pas dénoncer les dérives, les inégalités. C’est ainsi que Léon Hennique
s’attachera à rendre le personnage du Duc d’Enghien attachant, en mettant en
valeur sa droiture et la noblesse de ses idées.
Critiques de l’époque
« Maison de l’Edition nationale – Les collections de M. Emile Testard vont encore s’enrichir d’une série appelée, croyons-nous, à un succès mérité ; la création de l’Edition nationale des œuvres de Victor Hugo n’en est pas, on le sait, à son coup d’essai. C’est la collection des Dix, dont le premier volume vient de paraître ; elle se composera do dix œuvres littéraires de genre divers : poésie, roman, théâtre, histoire, mémoires, etc. Les illustrateurs, au nombre de dix également — un par ouvrage — seront choisis parmi les artistes dont le talent, absolument original, accuse une réelle personnalité, parmi ceux qui sont destinés, croyons-nous, à occuper une place caractéristique dans l’histoire de l’illustration et du livre modernes. On ne peut nier que MM. Julien Le Blant, Georges Janniot, Félicien Rops, Luc Olivier-Merson et Maurice Leloir, pour ne citer que les premiers, ne soient de artistes de premier ordre, en pleine maturité de leur talent, inimitables dans le genre que chacun d’eux s’est choisi. Le but de l’éditeur est d’exprimer, s’il est possible, dans la réunion de dix volumes du format in-8 raisin, si élégant et si propre à l’arrangement d’une artistique mise en pages, la note d’art que peut produire aujourd’hui le talent de nos meilleurs illustrateurs et graveurs, uni aux progrès de l’industrie du livre. Cette collection est limitée au nombre strict de trois cents exemplaires numérotés ; la passe d’usage étant supprimée, les amateurs ne seront jamais exposés à trouver au rabais des exemplaires non numérotés. Le premier ouvrage qui vient de paraître est le beau drame de Léon Hennique : La Mort du duc d’Enghien. C’est une page historique d’un intérêt poignant, évoquée par, un écrivain de race, d’une plume noble et ardente. Cette œuvre, concise, vibrante, sincère, était bien faite pour tenter le crayon du maître peintre Julien Le Blant, qui en a tiré son chef-d’œuvre d’illustration. Par, les eaux-fortes qu’on y rencontre, on reconnaîtra que Louis Muller est, lui aussi, passé maître en son art. » (Paris 29 décembre 1894)
« C’est cette œuvre de grande valeur que l’infatigable éditeur Émile Testard a choisie pour inaugurer une nouvelle collection qui comprendra dix volumes et s’appellera en conséquence : « Collection des Dix. » M. J. Le Blant, le grand artiste pour lequel les époques de la Révolution et de l’Empire n’ont plus de secrets, a été chargé de l’illustration. Il s’en est acquitté avec sa maîtrise habituelle. Les neuf compositions hors texte qu’il a dessinées sont très belles ; elles ont été, ainsi que les vignettes placées en en tête de chacun des tableaux, joliment gravées à l’eau-forte par Louis Müller. En outre, Le Blant a jeté dans le texte ou dans les marges une quarantaine de croquis qui n’ont peut-être pas moins de mérites, mais dont la reproduction, due à des procédés plus sommaires, souffre un peu du rapprochement avec les eaux-fortes. Le volume a été irréprochablement imprimé par Chamerot; les papiers sont de choix; le tirage a été limité à trois cents exemplaires. » (Eylac, La Bibliophilie en 1893, Rouquette, Paris).
« M.
Léon Hennique vient de faire paraître son drame de la Mort du duc d’Enghien en
un volume de toute beauté, qu’accompagnent de fort belles compositions de M.
Julien Le Blant, gravées à l’eau-forte par M. Louis Muller. Dans ces dessins
revivent les scènes qui avaient si vivement impressionné les spectateurs du Théâtre-Libre.
Ce volume, d’une beauté magistrale, est le premier d’une collection que M. Testard,
l’éditeur, appelle la collection des Dix. Je ne sais pas le texte des neuf
ouvrages qui viendront s’ajouter à celui-là. Le premier, au moins, a été
heureusement choisi. Je ne crois pas, pour ma part, que la Mort du duc
d’Enghien soit de bon théâtre ; mais c’est une étude très curieusement
fouillée, où se marque un talent incontestable, et qui, dans l’histoire de
notre art dramatiques, restera comme date. » (Francisque
Sarcey, Le Temps)
Au cinéma
La Mort du duc d’Enghien est aussi un film français réalisé par Albert Capellani, sorti en 1909. Ce film muet en noir et blanc est l’adaptation cinématographique de la pièce de Léon Hennique. Il est interprété par Daniel Mendaille, Charles Lorrain, Germaine Dermoz, Paul Capellani, René Leprince, Henri Étiévant, Georges Grand, Henry Houry.
Ce film permet surtout à
Capellani d’atteindre un des sommets de son œuvre avec le dernier plan du film,
longue séquence de plus de deux minutes qui commence sur l’exécution d’Enghien,
sans gesticulation, les yeux ouverts (il refuse le bandeau), après s’être mis à
genoux pour prier. Il tombe sous le feu des gardes, et alors que l’on croit la
séquence achevée, Capellani la pousse à son paroxysme : il continue de filmer
les deux gardes mettant Enghien en terre, tête la première, commençant ensuite
à le recouvrir de terre jusqu’à ce que le chien du duc rentre de nouveau dans
le champ et se jette dans la fosse du Château de Vincennes, rejoignant son
maître pour l’éternité.
La fulgurance de cette scène
est la démonstration du savoir-faire total de Capellani en 1909. La Mort du
Duc d’Enghien en 1804 est un des films les plus importants de la période. (Philippe
Azoury)
Alexandre Dumas père publie Le Chevalier de
Maison-Rouge en 1846. Ce roman s’inspire de la vie d’Alexandre Gonsse de
Rougeville qui avait tenté de libérer la reine Marie-Antoinette de la prison du
Temple.
Résumé
En 1793, sous la Révolution française, le révolutionnaire Maurice Lindey rencontre Geneviève et en tombe amoureux. Or la jeune femme est mariée à un royaliste, Dixmer, dont elle partage les opinions. Le couple cache chez lui le chevalier de Maison-Rouge, recherché par la police pour avoir tenté de et vouloir encore libérer la reine Marie-Antoinette de la prison du Temple. Le patriotisme de Maurice étant patent, Dixmer pousse sa femme à accueillir Maurice pour leur servir de « couverture », tout en sachant que les deux jeunes gens s’aiment. Dixmer et Maison-Rouge tentent une nouvelle fois de sauver Marie-Antoinette, mais échouent. La maison est incendiée par la police, et Geneviève se réfugie chez Maurice. Dixmer, retrouvant sa femme, lui propose de racheter son infidélité en prenant la place de la reine dans sa prison. Geneviève est arrêtée, jugée et condamnée à la guillotine. Maurice choisit de la rejoindre dans la prison afin de mourir avec elle.
En 1894, Emile Testard édite pour la première fois ce roman
dans une version de luxe, en deux volumes. Elle est tirée à 1110 exemplaires et
abondamment illustrée de 157 vignettes de Julien Le Blant. Celles-ci sont
gravées sur bois par Auguste-Hilaire Léveillé. Les 10 eaux-fortes hors texte de
sont gravées par Géry-Bichard.
L’excellent graveur de
l’ouvrage se nomme Auguste-Hilaire Léveillé. Il est né à Joué-du-Bois le 31
décembre 1840. Elève des graveurs Jean Best et Laurent Hotelin, il est à l’aise
dans tous les procédés de gravure, avec une préférence pour le travail sur
bois. Il travaille à partir des années 1860 pour les meilleurs périodiques du
moment comme Le Magasin pittoresque, L’Univers illustré, L’Art,
la Revue illustrée, Le Monde illustré, ou la Gazette des
beaux-arts. Il grave également de nombreuses vignettes anatomiques pour des
traités de médecine. Son travail de peintre est montré au Salon de 1873. Il
devient à partir des années 1880 l’un des graveurs des œuvres sculptées
d’Auguste Rodin. Le 3 avril 1894 il est nommé chevalier de la Légion d’honneur.
D’après des dessins de Le Blant, il réalisera encore une centaine de gravures sur
bois pour Les Chouans de Balzac, 50 gravures pour Enfant perdu 1814
de Gustave Toudouze et quelques autres pour La vengeance des Peaux-de-Bique
du même Gustave Toudouze. Il meurt le 12 avril 1900 au boulevard du
Montparnasse à Paris.
Adolphe-Alphonse Géry-Bichard,
qui a réalisé les dix eaux-fortes de l’ouvrage, est né le 19 novembre 1841 à
Rambouillet. Élève d’Edmond Hédouin et surtout de Léon Gaucherel avec lequel il
découvre l’art de la gravure, Géry-Bichard se spécialise dans la reproduction
d’œuvres de grands maîtres (Giorgione, Houdon, Chardin, Rude…) Durant les
années 1880-1890, remarqué par Octave Uzanne, il collabore de façon intensive à
des éditions illustrés d’auteurs romantiques ou contemporains, dont quelques
curiosa, avec des dessinateurs comme Luc-Olivier Merson, Ernest Ange Duez ou
Georges Cain. Il meurt le 24 décembre 1926 dans le 13e arrondissement de Paris
Un portfolio de 14 pages de
texte et 10 planches avec les eaux-fortes hors texte est publié en
accompagnement de l’ouvrage.
Critiques de l’époque
« Il est à l’heure actuelle certaines illustrations dont la valeur d’art est trop grande pour qu’on se contente de les considérer seulement dans l’ensemble dont elles font partie, dans le livre. Des éditeurs, au courant du mouvement artistique, ont pensé qu’on devait faire interpréter des écrivains de premier rang par des peintres également de premier rang, et, parmi ces éditeurs, nul n’a accompli dans cette voie un plus magnifique effort qu’Emile, Testard. […] On était donc en droit de se demander si, dans la possession où il était de cette esthétique et de cette époque, M. Julien Le Blant pourrait s’affranchir d’une influence naturelle, et se créer une vie nouvelle dans l’heure et la coutume du Chevalier de Maison-Rouge ; nous sommes aujourd’hui pleinement rassurés : son illustration est une œuvre maîtresse, en dehors des conventions ordinaires originale par les points mêmes qui ont été choisis pour l’interprétation. Il ne s’agit pas ici d’une synthèse, étudiée dans chaque composition, de la page lue. M. Julien Le Blant laisse à l’écrivain le soin de mettre en scène ses personnages et de grouper les éléments du tableau. Ce qu’il veut, lui, c’est noter en marge des tableaux la silhouette particulière du personnage, le détail qui précise le temps, l’attitude que donne le drame, la psychologie individuelle d’un chacun, l’analyse par le menu de chacun des reliefs qui s’harmonisent dans l’ensemble complexe de l’écrit. Et en cela, il me paraît garder la juste mesure que doit embrasser l’illustration. » (Le Siècle 23 décembre 1893)
« Le Chevalier de Maison-Rouge, deux volumes avec un album d’eaux-fortes. Emile Testard, éditeur, 18, rue de Condé. Si, dans L’œuvre considérable d’Alexandre Dumas, il est un livre populaire entre tous, presque à l’égal des Trois Mousquetaires, c’est le Chevalier de Maison-Rouge, cet autre chef-d’œuvre, du génial romancier. Ce roman brillant, vivant, dramatique au possible, méritait une édition de grand luxe, et M. Emile Testard, l’éditeur de ces admirables collections de Victor Hugo et de Molière qui ont fait sa réputation, a été bien inspiré de le publier dans sa collection, artistique, après les belles œuvres de Mérimée, de George Sand, de Balzac et de Ludovic Halévy, auxquelles les bibliophiles ont fait un accueil si sympathique. Nous ne parierons pas du livre lui-même. Qui ne l’a lu et relu ? Qui ne se rappelle ce brillant récit où se mêlent intimement aux originales et ingénieuses conceptions de l’auteur, les faits historiques de la grande époque révolutionnaire ? Qui ne s’est intéressé au roman d’amour de Maurice Lindey et de Geneviève, aux efforts tentés par le chevalier de Maison-Rouge pour-sauver la reine, à l’obscur dévouement d’Héloïse ? Tison, la jolie bouquetière, pour Marie-Antoinette ? Tous ces personnages, vrais ou inventés, sont admirablement composés, fièrement campés. Au reste, Alexandre Dumas n’a pas inventé de toutes pièces. Une intéressante et magistrale préface nous rappelle que le chevalier de Maison-Rouge a réellement existé, qu’il fut l’auteur de l’un des nombreux projets d’évasion ourdis-en faveur de l’Autrichienne. C’était un gentilhomme d’Arras, de son vrai, nom Alexandre de Jons de Rougeville. Né, en 1751, il avait embrassé la carrière, militaire ; Sa vie mouvementée est bien celle d’un héros de roman : La plupart des autres personnages du livre ne sont pas, eux non plus, des êtres fictifs ; et l’auteur de la préface nous donne les noms de tous les modèles dont s’est servi Alexandre Dumas. L’illustrateur de la nouvelle et très artistique édition de cette œuvre célèbre, M. Julien Le Blant, n’en est plus à faire ses preuves. C’est l’artiste érudit et consciencieux que deux œuvres hors de pair : les Cahiers du capitaine Coignet et les Chouans de Balzac, ont mis au premier rang de nos dessinateurs modernes. Possédant à fond la connaissance de l’époque, maître d’un talent-plein de ressources, adroit, spirituel, éprouvé, Julien Le Blant vient d’ajouter à son œuvre d’illustrateur un livre qui restera l’un de ses titres les plus sûrs à l’estime des amateurs et des artistes. Le Chevalier de Maison-Rouge lui aura-fourni, non seulement une de ses œuvres les plus expressives, mais encore une œuvre qui accuse une note nouvelle de son mâle talent. Il a su rendre avec un charme exquis la grâce, la souplesse des attitudes féminines. Ses très nombreuses compositions ont été reproduites avec infiniment de goût par M. Léveillé, un des maîtres de la gravure sur bois. En outre, M. Le Blant a exécuté une série de dix grandes compositions hors texte, gravées par l’aquafortiste Géry-Bichard, et réunies à part dans un album. Il nous suffira de rappeler que c’est le même artiste qui a gravé, d’après les superbes compositions de Luc-Olivier Merson, les planches de là Notre-Dame de Paris de l’Edition nationale. On voit tout l’intérêt littéraire et l’attrait artistique qu’offre cette nouvelle édition du Chevalier de Maison-Rouge, qui figurera bientôt en belle place dans la bibliothèque de tous les amateurs de beaux livres. » (H. A.-D. L’Intransigeant 12 décembre 1893)
« Je passe à l’autre œuvre maîtresse d’Alexandre Dumas, le Chevalier de Maison-Rouge, un roman non moins célèbre que le précédent et qui n’avait jamais été, lui non plus, publié jusqu’à présent dans des conditions de grand luxe. En confiant à M. Julien Le Blant le soin de l’illustrer, l’éditeur Emile Testard a fait le choix le plus judicieux. Le Blant connaît à fond l’époque révolutionnaire, et il excelle, le pinceau ou le crayon à la main, à reproduire ses scènes, à faire revivre ses physionomies. Quelles merveilleuses compositions, notamment, ne faisait-il pas, il y a quelques années, pour les « Cahiers du capitaine Coignet », publiés par la maison Hachette ! Malheureusement ces compositions, au lieu d’être gravées à l’eau-forte ou sur bois, ont été reproduites par des procédés économiques et défectueux. C’est encore Le Blant qui a illustré la belle édition des Chouans, de Balzac, éditée, comme le livre dont je parle, par la maison Testard. Les collections Jouaust, à leur tour, comptent quelques jolis volumes décorés par lui, ainsi le « Chevalier des Touches », de Barbey d’Aurevilly. Tout désignait donc Le Blant pour cette nouvelle et importante tâche ; il s’en est acquitté avec autant de talent que de conscience. Je suis heureux de m’associer aux éloges mérités qu’un juge compétent, M. G. Larroumet, lui a décernés dans l’intéressante préface écrite pour l’ouvrage. Ses 175 dessins dans le texte ont été habilement et très finement gravés par Léveillé ; peut-être seulement le ton général est-il un peu gris. Indépendamment de ces dessins, la publication comporte dix eaux fortes hors texte, gravées par Géry-Bichard. Ces planches, qui rehaussent singulièrement l’ensemble artistique du livre, sont toutes excellentes, et plusieurs sont absolument remarquables, par exemple celles qui ont pour sujet « La Bouquetière », l’« Enfant royal », l’ « Echafaud ». Ce sont de véritables tableaux dont l’effet est saisissant, dont tous les détails sont curieusement observés, dont la couleur a été rendue par l’aquafortiste avec une intensité extrême. » (La Bibliophilie)
« Le Chevalier de
Maison-Rouge, personnage de la réalité historique, exerça sur les imaginations
un effet plus profond, plus durable, puisque l’on trouverait facilement dans la
Révolution de 1848 un écho lointain des anciennes passions révolutionnaires,
transformées à nouveau en drame politique. Ce qui doit m’arrêter, c’est
l’illustration, l’interprétation, par le crayon, des gens si bien esquissés par
Alexandre Dumas. Or, personne n’était plus apte à pareille œuvre que le peintre
du Bataillon carré à Fougères et de la Prise d’armes en Bretagne, le peintre
qui avait déjà illustré avec amour les Chouans de Balzac, qui sait comme pas un
évoquer le passé des glorieux faits d’armes révolutionnaires. Ceci, du reste,
M. Larroumet l’a excellemment exprimé dans sa préface, et c’est pourquoi je me
fais un plaisir de lui céder la parole. « Le Chevalier de Maison-Rouge », dit
le délicat écrivain et conférencier, « lui aura fourni une œuvre aussi
expressive et qui dégage une note nouvelle de son talent. » (Le Livre
et l’Image)
« Le Chevalier de Maison-Rouge a paru en même temps, édité par la
maison Testard avec le même luxe que les Trois Mousquetaires ; et quand on
examine l’une après l’autre ces deux publications, on reste très frappé du
contraste qui les distingue, et de la manière si différente dont les deux
artistes, MM. Leloir et Le Blant, ont interprété ces deux romans avec tout leur
talent, et chacun à sa manière. Plus d’un siècle s’est écoulé, on le sent bien,
rien qu’à remarquer les personnages et avant même d’avoir lu une ligne du
texte. Combien les temps ont changé et comme les personnages, le costume et les
modes ont déjà varié ! Aux scènes héroïques, passionnées et superbes du temps
des Mousquetaires ont succédé des scènes tragiques et empreintes de tristesse ;
l’horizon s’est assombri, et l’inquiétude ou le tourment sont peints sur toutes
les physionomies. Dans une éloquente préface M. Larroumet montre que le héros
d’Alexandre Dumas n’a pas été inventé de toutes pièces, que le chevalier de
Maison-Rouge a réellement existé et que le chevalier de Rougeville fut l’auteur
d’un des projets d’évasion qui jusqu’au dernier jour disputèrent
Marie-Antoinette à l’échafaud. L’impression que donnent les dessins de M. Le
fiant, le maître peintre des Vendéens, est toujours forte et souvent puissante,
et l’on ne sait ce que l’on doit le plus admirer de cette variété de
composition et d’interprétation, ou de la familiarité touchante, de la sublime
grandeur, qui font de chacun des épisodes rapportés un véritable tableau.
L’artiste a beau suivre pas à pas le romancier et l’interpréter
fidèlement, ses compositions vivent de leur vie propre, et l’on pourrait les
séparer du texte sans les rendre obscures : elles continueraient à parler.
Joignez à ce mérite qu’elles sont toujours l’œuvre d’un peintre, c’est-à-dire
d’un traducteur de la nature qui voit et fait voir l’âme des êtres et des
choses par leur apparence extérieure. Il lui suffit, pour traduire un milieu
social, d’un coin de mobilier, d’une chaise, d’un aspect de costume, où
ressortent ce caractère dont je parlais, cette empreinte où dure encore
l’esprit d’un temps disparu. » (Le Livre et l’Image)
« Le «Chevalier de Maison-Rouge», l’un des chefs-d’œuvre
d’Alexandre Dumas, que n’ont effleuré ni le temps, ni la variabilité du goût
des lecteurs, aura, on peut le prédire sans peine, le plus franc succès.
L’illustrateur, M. Julien Le Blant, a fait là, lui aussi, son chef-d’œuvre. Qui
ne sait par cœur, qui n’a relu, qui n’est prêt à relire le «Chevalier de
Maison-Rouge». (La Nouvelle Revue)
« Il faut donner une mention spéciale à la magnifique et nouvelle édition que M. Emile Testard nous donne du « Chevalier de Maison-Rouge », ce chef-d’œuvre d’Alexandre Dumas, qui vient, on peut le dire, à son heure, puisque le nom de l’auteur est plus en vogue que jamais, et puisque tout ce qui touche à la grande Révolution a le don plus que tout autre chose, de nous émouvoir et de nous passionner. L’illustrateur de cette artistique édition, M. Julien Le Blant, vient d’ajouter à son œuvre un livre qui restera l’un de ses titres les plus sûrs à l’estime des amateurs et des artistes. Ses compositions très nombreuses dans le texte ont été reproduites avec un goût infini par M. Leveillé, un des maîtres de la gravure sur bois. Dans dix superbes compositions hors texte dont la gravure a été confiée à l’aquafortiste Géry-Richard, et qui sont données à part dans un album, M. Le Blant a mis toute sa science et tout son esprit d’exécution. L’ouvrage est accompagné d’une magistrale préface de M. Larroumet. Nous n’insisterons pas sur l’immense attrait artistique qu’offre cette nouvelle édition du « Chevalier de Maison-Rouge ». Elle ne peut manquer de figurer en belle place dans la bibliothèque de tous ceux qui ont le goût des nobles et beaux livres. » (Le Monde Illustré)
« Donc faisons fête à Dumas, et félicitons ses interprètes, les artistes distingués qui lui ont prêté le concours de leurs crayons. Maurice Leloir et Julien le Blant sont trop connus pour qu’il soit nécessaire de les présenter au lecteur. Qui n’a admiré les petites marquises de Leloir, pimpantes, poudrées, avec deux doigts de fard sur les joues, montant en carrosse pour aller à l’Opéra, et les Vendéens de Le Blant, les chouans au front têtu, au regard dur, aux mains calleuses, luttant jusqu’à la mort pour Dieu et le Roy. Chacun de ces peintres a cherché à vaincre ses habitudes. Leloir, ayant à rendre l’atmosphère héroïque et batailleuse où s’agite d’Artagnan, a dû viriliser son pinceau, tandis que Le Blant voulant traduire la grâce de Geneviève Dixmer, s’est efforcé de féminiser et d’assouplir son talent. Leurs compositions ont été gravées sur bois par MM. Huyot et Leveillé. La gravure de M. Leveillé est un peu grise et toujours en demi-teinte, celle de M. Huyot est merveilleuse de finesse, tout à la fois vigoureuse et délicate ; elle met en pleine lumière les qualités du dessin. Encore une résurrection ; la gravure sur bois. On la croyait morte, tuée par l’invention de Gillot, qui permettait de reproduire directement les croquis originaux. Et l’on s’est aperçu qu’elle avait du bon, et que si elle n’atteignait pas à la précision du gillottage, elle surpassait ce procédé par l’énergie et l’éclat du modelé. Une école nouvelle s’est formée, s’éloignant de la froide rectitude de Pannemaker, cherchant à rendre la patine et jusqu’au coloris de la peinture. M. Charles Baude, dont nos abonnés ont si souvent apprécié les belles reproductions, a gravé, d’après Rembrandt quelques planches, qui valent, pour la perfection du détail, la tenue de l’ensemble et la fidélité de l’expression, le travail de l’eau-forte et du burin réunis. D’autres sont venus qui, à son exemple, ont développé l’art de la gravure sur bois. Et aujourd’hui, il n’est pas d’éditeur, Hachette, Armand Collin, Emile Testard, Firmin Didot, qui n’ait à son service un graveur de premier ordre. Je sais tels de leurs volumes qui pourraient soutenir la comparaison avec les livres à images du siècle dernier. Leur seule infériorité, au regard des amateurs, est de coûter trop bon marché et d’être tirés à trop grand nombre. » (Les Annales politiques et littéraires 17 décembre 1893)
Le Chevalier de Maison-Rouge a été adapté au cinéma par Albert Capellani en 1914, dans un film muet de 1h45. Produit par Pathé Frères, il est interprété par Paul Escofffier dans le rôle du chevalier de Maison-Rouge, alias le citoyen Morand. Marie-Louise Derval joue Geneviève Dixmer, Georges Dorival, Dixmer et Léa Piron, la reine Marie-Antoinette.