Sur la plaque mortuaire de Julien Le Blant, en plus des mentions « Artiste peintre » et « Chevalier de la Légion d’Honneur » figure une inscription à laquelle il tenait : « Engagé volontaire de 1870 ».
Quel rôle a joué dans ce conflit ce jeune homme de 19 ans, alors en formation d’architecte à la ville de Paris. Nous savons qu’il a quitté le domicile familial contre l’avis de son père pour s’engager dans le corps-franc de Paul de Jouvencel.
Paul de Jouvencel
Licencié en droit à dix-neuf ans, Paul de Jouvencel s’adonne ensuite à l’étude des sciences naturelles et à l’économie sociale. Homme de gauche, il se prononce contre le plébiscite de 1870 et contre la déclaration de guerre à la Prusse.
Le début de la guerre, officiellement déclarée le 19 juillet 1870, suscite de vives inquiétudes de la part de Jouvencel, conscient que sa patrie est mal préparée et gravement menacée. Rapidement, au regard de l’avancée des troupes prussiennes, le siège de Paris semble imminent dès la fin du mois d’août 1870. Choqué par la passivité des autorités et des populations qu’il accuse de manquer de patriotisme, alors que la plupart des villages n’ont aucun moyen de se défendre, il s’en prend vigoureusement aux autorités accusées de ne pas avoir su organiser la défense. Les sous-préfets sont particulièrement dans le collimateur de Jouvencel qui trouve leur attitude très passive sinon collaborationniste avec l’ennemi. On imagine en effet l’indignation qui le saisit lorsqu’il apprend que le conseil municipal de Crécy décide d’octroyer 20 000 francs aux Prussiens ! Ce sentiment d’inefficacité voire d’abandon des autorités n’est sans doute pas pour rien dans sa décision de s’emparer lui-même de ce problème et de se faire un ardent défenseur de la patrie grâce à la création d’un corps de francs-tireurs.
La priorité reste pour lui l’approvisionnement de la capitale. Il met sur pied l’achat immédiat des récoltes dans les départements autour de Paris, ce qui a pour conséquence d’approvisionner la capitale et de priver l’ennemi de ressources. Il propose une loi en ce sens qui est adoptée le 17 août 1870. Sa principale inquiétude demeure toutefois la défense de la patrie et la résistance à l’ennemi. Ne supportant plus l’attitude passive des autorités, il décide de passer à l’action.
Les francs-tireurs de Neuilly
Le 4 septembre, Paul de Jouvencel organise son propre corps de volontaires : les chasseurs de Neuilly, un groupe d’environ 300 personnes qui s’équipent à leurs frais et vont suivre une formation au tir avant de prendre part activement à plusieurs batailles. Dès le milieu du mois de septembre 1870, les francs-tireurs de Neuilly sont mis à la disposition de la Défense Nationale qui leur facilite les déplacements et leur attribue une aide financière assez conséquente.
Un épisode surprenant nous montre la détermination de Jouvencel. Le 22 octobre 1870, un ballon montgolfière de 2000 mètres cubes, appartenant à la Compagnie des Aérostiers militaires, décolle des Tuileries. Il est piloté par un certain Iglesias avec, à son bord, Paul de Jouvencel. Celui-ci emporte 300 kilos de courrier, 6 pigeons et 75 kilos de tracts qui seront lâchés sur les Prussiens. Après un vol de 40 kilomètres, touchée à plusieurs reprises par les tirs ennemis, la montgolfière commence à descendre aux environs d’Esbly. Le hasard fait atterrir Paul de Jouvencel à proximité de sa maison à Quincy près de Meaux, précisément à la Demi-Lune qui deviendra un hôtel restaurant au début du XXe siècle.
Après avoir échoué, le 8 février 1871, aux élections générales pour l’Assemblée nationale, dans la Seine-et-Marne, il s’occupe de la publication de quelques ouvrages dont « Récits du temps, souvenirs d’un officier de francs-tireurs » (1873).