LA PARTIE DE TONNEAU

Au salon de 1877, Julien Le Blant expose une toile qui met en scène des buveurs étudiés dans une guinguette près des Invalides. Cette toile, disparue à notre connaissance, est connue grâce à cette unique gravure. On y voit quelques soldats s’adonner à un jeu d’adresse appelé Jeu de Tonneau ou aussi Jeu de la Grenouille, qui fut de tout temps pratiqué par les guerriers. Il consiste à lancer huit palets dans les orifices d’un support placé à trois mètres après avoir estimé son résultat.

Pratiqué en Grèce antique sous le nom de “casse pot”, le jeu se jouait avec des amphores dans lesquelles on lançait des cailloux plats. Les Romains, après avoir envahi la Grèce, l’importèrent à Rome où il fit un véritable succès. Les Vikings, après leurs expéditions en Méditerranée, ramenèrent le principe du jeu en Neustrie, notre Normandie actuelle. De cette province, où le bon cidre était déjà stocké dans des tonneaux et non plus dans des amphores comme les vins méditerranéens, ils changèrent le nom pour s’appeler Le jeu de tonneau.

Remis à la mode sous Louis XIV sous le nom de Jeu de Grecque, il accompagna les troupes françaises dans leurs campagnes. Des gravures datant de la Révolution, de l’époque napoléonienne, de la Commune ainsi que des photos du débarquement au Jour-J de Normandie, nous le montrent trônant au milieu des troupes.

Le Jeu de la Grenouille ou Putpeck faisait surtout partie des amusements offerts par les estaminets du nord de la France et des guinguettes des environs de Paris, immortalisé en chanson sous La grenouille du jeu de tonneau par Léon-Paul Fargue sur une musique d’Alfred Erik Leslie Satie tirée des Trois Mélodies de 1916.

A la fin du XIXème siècle, ce jeu deviendra très populaire et la tirelire sera remplacée par une grenouille la gueule ouverte ou, parfois dans les fêtes foraines, une tête grotesque reproduisant les traits d’un homme politique peu aimé.

Le jeu existe également en Amérique du Sud sous le nom de Sapo.