A Paris, chez Hachette et Cie, 1898, 1898. In-4, 12 planches hors-texte en couleurs et 12 en-têtes et culs-de-lampe d’après les aquarelles de Julien Le Blant, couverture et 12 frontispices d’après les aquarelles de Giraldon.
Résumé
L’ouvrage est basé sur les souvenirs de Louis de Pontis, qui a servi dans les armées cinquante-six ans, sous les rois Henri IV, Louis XIII et Louis XIV.
À seize ans Louis de Pontis embrassa la profession des armes ; il obtint de Louis XIII une lieutenance dans les gardes, puis une compagnie. Les nombreuses occasions où il s’était signalé par sa bravoure et sa prudence lui avaient aussi valu l’agrément du roi pour l’acquisition de la charge de commissaire général des Suisses, mais il fut obligé d’y renoncer, à cause des obstacles que lui suscita le cardinal de Richelieu, au service duquel il avait refusé d’entrer.
Employé dans les Pays-Bas et en Allemagne, il servit 56 ans dans les armées du roi et venait d’être nommé maréchal de bataille lorsque des revers de fortune, la mort d’un de ses meilleurs amis Henri II de Montmorency et le dégoût du monde lui inspirèrent le projet de se retirer dans la maison de Port-Royal des Champs, où il termina sa vie, au milieu des pratiques de la prière et de la pénitence.
Ses Mémoires, éditées en 1676 par Du Fossé d’après ses récits, ont été réimprimées plusieurs fois. Ecrites d’un style facile et naturel, elles dépeignent le cardinal de Richelieu avec noirceur. Il semble, suivant l’opinion de Grosley, avoir eu pour but d’offrir un modèle de conduite aux officiers dans toutes les circonstances où le sort peut les placer. Mais le père d’Avrigny et Voltaire ont eu tort de conclure que Pontis n’avait pas existé. Sa famille était très connue en Provence, et lui-même, considéré à son époque comme le plus courageux militaire français. Son portrait a été gravé d’après un tableau de Philippe de Champaigne, et l’épitaphe de son tombeau est rapportée dans le Nécrologe de Port-Royal.
Critiques de l’époque
« Les Mémoires du sieur de Pontis. En 1650, le sieur de Pontis, qui n’avait jamais cessé d’être honnête homme et bon chrétien, commença de faire sur sa vie quelques réflexions sérieuses. Il allait avoir bientôt soixante-dix ans et en avait passé cinquante-six dans les armées. De ces longs travaux, que lui était-il revenu ? Beaucoup de fatigues et quelques rares avantages, toujours ex posés aux retours de la fortune. Allons ! le temps était venu pour lui de faire une fin et de quitter les choses qui passent pour se consacrer tout entier au souci de son salut. — Deux ans après, Pontis se retirait à Port-Royal. Mais, en renonçant au monde, le vieux soldat ne renonçait pas à ses souvenirs. L’un des plus jeûnes parmi les solitaires, le modeste et savant Thomas du Fossé, aimait à les lui faire raconter, et, comme ses récits étaient pleins de verdeur et de couleur, comme ils ne blessaient jamais la modestie ni le bon goût, il amena insensiblement le vieillard à les lui répéter plusieurs fois, de manière à les transcrire, pour ainsi dire, sous sa dictée. Quand ces Mémoires parurent (1676), six ans après la mort de Pontis, ce fut un enchantement. Mme de Sévigné avoue qu’elle ne peut s’en détacher. C’est qu’aussi la vie militaire d’un demi-siècle s’y trouve ressuscitée. Et quelle curieuse époque ! toute pleine encore de l’esprit de tumulte du siècle précédent. C’est le temps d’Henri IV et de Louis XIII, le temps où les plus honnêtes gentilshommes, quand ils ne trouvent pas d’emplois dans l’armée du Roi, ne se font pas faute d’entrer dans celle d’un, autre prince, au besoin de lever eux-mêmes une troupe de braves gens disposés à bien faire et à vivre le mieux du monde en tenant la campagne et en rançonnant le campagnard. C’est le beau temps des duels et des coups de main, des embuscades criminelles et des héroïques folies. C’est le temps des Trois Mousquetaires. Et, en effet, c’est bien-à Dumas père et, à ses héros que songera tout de suite le lecteur moderne en lisant les scènes amusantes et pathétiques qui se déroulent à travers ces Mémoires. Mais c’est, cette fois, un Dumas qui a vu de ses yeux ce qu’il raconte et donné lui-même les beaux coups d’épée qui-nous émerveillent. Revus avec le plus grand soin sur la première édition, devenue très rare et dont, à l’exception de quelques passages d’un moindre intérêt, nous reproduisons intégralement le texte, les récits de ce soldat de jadis ne pourront manquer d’intéresser nos jeunes gens d’aujourd’hui, les soldats de demain. » (Le Figaro 22 décembre 1897)
« Les Mémoires du sieur de Pontis, abrégés, et publiés par J. Servier, rappelleront à tous les lecteurs le principal personnage de deux romans célèbres d’Auguste Maquet : La Belle Gabrielle et La Maison du Baigneur. Ces précieux et intéressants « Mémoires », illustrés de 12 planches hors texte en couleurs et 24 gravures dans le texte, d’après les aquarelles de Julien Le Blant, ne nous révèlent pas seulement la vie d’un vieux soldat tout entière consacrée à la France, c’est aussi la peinture d’une curieuse époque, toute pleine de l’esprit de tumulte du siècle précédent ; peinture rendue plus vivante encore par les 86 gravures en couleurs qui illustrent le texte, d’après les aquarelles de Julien Le Blant. » (L’Intransigeant)
« La vie militaire d’un demi-siècle se trouve ressuscitée dans les Mémoires du Sieur de Pontis. Quelle curieuse époque ces mémoires dépeignent ! toute pleine encore de l’esprit de tumulte des règnes précédents : c’est le temps d’Henri IV et de Richelieu, mais non pas encore celui de Louvoie; c’est le temps où les plus honnêtes gentilshommes, quand ils ne trouvent pas d’emploi dans l’armée du roi, ne se font pas faute d’entrer dans celle d’un autre prince, au besoin de lever eux-mêmes une troupe de braves gens disposés à bien faire et à vivre le mieux du monde en tenant la campagne et en rançonnant le campagnard : n’est le beau temps des duels, des coups de mal des embuscades criminelles et des héroïques folies. C’est le temps des Trois Mousquetaires. Et en effet, c’est bien è Dumas père et à ses héros que les scènes qui se déroulent à travers ces Mémoires feront tout de suite songer le lecteur moderne. Mais c’est cette fois un Dumas qui a vu de ses yeux ce qu’il raconte et donné lui-même les beaux coups d’épée qui nous émerveillent. Si jamais l’Illustration en couleurs qui fait revivre à nos yeux non seulement les personnages, mais les costumes dans ce qu’ils ont de plus pittoresque, s’est trouvée bien à sa place, c’est assurément en un pareil volume, et rarement aussi le grand artiste qu’est J. Le Blant aura rencontré sujet plus en harmonie avec son talent. » (La Gazette)
« Les Mémoires du sieur de Pontis ne nous révèlent pas seulement la vie d’un vieux soldat tout entière consacrée à la France et à son roi Louis XIII ; c’est aussi la peinture d’une curieuse époque, toute pleine de l’esprit de tumulte du siècle précédent ; peinture rendue plus vivante encore par les 36 gravures en couleur qui illustrent le texte, d’après les aquarelles de Julien Le Blant. Ce livre tient à la fois du roman et de l’histoire, et le sieur de Pontis est un mousquetaire d’A. Dumas qui a vu de ses yeux ce qu’il raconte et donne lui-même les beaux coups d’épée qui nous émerveillent. » (La Revue chrétienne)
« À notre époque positive, où l’énergie des citoyens s’applique uniquement à accroître leurs richesses et à assurer leur bien-être matériel, on éprouve comme un sentiment de fierté à regarder ce que furent nos aïeux, les exploits qu’ils accomplirent, comme ils surent bravement mourir pour leur Dieu, pour leur Roi ou pour leur Dame. Le seigneur de Pontis, qui guerroyait au temps de M. le Cardinal, était un de ces héros. Les mémoires qu’il a laissés sont aussi attachants et variés qu’un roman d’aventures. Deux cents ans avant Marbot, il montra une égale vaillance dans l’action et, dans le récit, une égale belle humeur, avec un tant soi peu de hâblerie. Cela est proprement délicieux. […] Vingt épisodes seraient à citer : les furieux coups d’épée de Pontis, ses duels dont retentissaient la cour et la ville et une certaine querelle avec son mestre de camp qui faillit lui faire perdre la faveur de Sa Majesté. Ces pages, illustrées par le crayon de Giraldon et le pinceau de Le Blant, sont un régal auquel tout le monde trouve son profit, les petits et les grands, les simples et les philosophes.» (Les Annales politiques et littéraires)
À l’origine des Trois Mousquetaires
« M. J. Servier a eu l’idée de rééditer les Mémoires du sieur de Pontis. Ce fut une bonne idée, dont l’exécution était délicate, puisqu’il fallait, par des coupures et rajeunissements, les mettre au point de la curiosité actuelle, mais qui fut heureuse. Songez en effet que ces Mémoires eurent pendant plus d’un siècle une vague exactement égale à celle de leur génial bâtard le roman des Trois Mousquetaires. Au témoignage même de Voltaire qui contestait en vain et à faux leur authenticité, ils firent leur tour d’Europe. « Les jeunes barons allemands, dit-il quelque part sur un ton de persiflage où perce la jalousie de l’auteur des chapitres, des anecdotes dans le Siècle de Loups, XIV, les palatins polonais, Les dames de Stockholm et de Copenhague, les lisent, et croient y apprendre ce qui s’est passé de plus secret à la cour de France ». Ils n’étaient pas si dupes, car si Pontis n’a pas tenu la plume et si, de ce chef, son langage n’a pas la saveur acre des Cahiers du capitaine Cogniet, du moins son secrétaire probable, Thomas Dufossé écrivit-il sous sa dictée, à Port-Royal, et nous garda-t-il tout le costume du temps, toute la grande allure du style Louisquatorzien, et l’accent même du héros. Car c’en est un, et des plus curieux que cet officier de fortune de l’ancien régime qui ne dépassa jamais le grade de capitaine des gardes de Sa Majesté ; malgré ses prodigieux services. Et comme elle en dit long sur les mœurs et toute la vie organique de l’armée de l’ancien régime, sa curieuse odyssée. Imaginez un d’Artagnan qui aurait réellement vécu ses prouesses, tour à tour chef de partisans à la solde de princes étrangers, gagnant lentement ses galons à la pointe de l’épée, sur tous les : champs de bataille des guerres de religion et de la guerre de Trente Ans, prisonnier de guerre en Allemagne, honoré par raccroc de caractéristiques confidences des puissances, y compris le roi, redresseur de torts, à l’occasion, dans ses congés, brave a la plus admirable intrépidité, au reste souple de l’esprit mais non de l’échine, ce qui explique assez la médiocrité de son avancement, et qui finira dévotement sa vie dans la solitude de Port-Royal, laissant compter sur son athlétique cadavre les cicatrices de vingt-deux blessures. En vérité, je ne sais rien de plus curieusement documentaire sur la vie militaire sous l’ancien régime que ces mémoires de notre mousquetaire provençal, marqués au sceau de la plus cl air voyante sincérité et de la plus humoristique crânerie. Et on comprend sans peine que leur succès ait éclipsé celui des Mémoires du comte de Rochefort et même des Mémoires de M. d’Artagnan, œuvre de l’imagination de Sandras de Courtilz qui suggérera l’épopée des Trois Mousquetaires. La présente édition mérite un regain de cette curiosité séculaire. Toutes les discussions et dissertations de piété, de morale ou d’histoire trop connue qui faisaient longueur dans l’édition primitive, à notre goût du moins, sinon à celui plus robuste de nos aïeux, a été retranché sans qu’il en coûte rien à l’intérêt du fond ni de la forme. Celle-ci, je m’en suis assuré et voyez s’il fallait que le livre m’intéressât — n’a été rajeunie que juste dans la mesure nécessaire, c’est-à-dire par une opportune transformation du style périodique et oratoire de l’auteur en style plus coupé et plus dialogué, ce qui fut l’affaire de quelques points et tirets et petits mots de suture, par la substitution de quelques termes plus modernes à ceux dont l’archaïsme risquait de faire écran au sens non sans respecter d’ailleurs ceux de ces termes archaïques ou techniques dont le pittoresque ne se pouvait effacer sans profanation, quitte à les expliquer par une note rapide. Bref, tout ce travail de rajeunissement a été d’une discrétion égale à celle de la plus pieuse des restaurations archéologiques. Les aquarelles de M. Julien le Blant ont fait le reste, mariant étroitement leur pittoresque et même leur esprit à ceux du texte. Voilà un bel et bon livre d’étrennes pour nos rhétoriciens et un précieux supplément au cours de leur professeur d’histoire. » (Le XIXe siècle 15 décembre 1897)