MISSION AUX ARMÉES

Il en rêvait depuis 3 ans de cette possibilité de se rendre dans la zone des combats, mais ses demandes avaient, jusqu’ici, été refusées. Le 25 août 1917, Julien Le Blant quitte son manoir de Rholan pour rentrer à Paris. Il vient enfin de recevoir une permission du ministère pour réaliser durant le mois de septembre des dessins dans le cadre de la 8e mission des artistes aux armées. Font aussi partie de cette mission : Léon Couturier, Clovis Didier, Emile Friant, Jules Alfred Hervé-Mathé, Léon Lacault, Henri Ottmann, Marius Robert, Henri-Ernest Rioux et Maurice Taquoy.

Julien Le Blant – Soupir (Aisne)

Les missions d’artistes aux armées sont instituées à l’automne 1916 par le Grand Quartier Général. Elles se succèdent de février 1917 jusqu’en janvier 1918. Les participants sont pour l’essentiel des artistes membres de la Société des peintres militaires. Les peintres mobilisés ne peuvent pas en faire partie, sauf autorisation spéciale, ce qui implique que les personnes accréditées sont relativement âgées. Ces artistes peintres doivent être volontaires et réaliser la mission à leurs risques et périls, et de plus à leurs frais. On évite toutefois de les mettre en danger sur le front et leurs missions se déroulent généralement à l’arrière. Les productions sont diverses, allant du très conventionnel à quelques œuvres avant-gardistes. Enfin l’État se réserve la possibilité d’acheter des œuvres à un prix modique. Vallotton parlera même d’un prix de famine. À leur retour de mission, les peintres ont l’obligation d’exposer l’ensemble de leurs travaux dans les salles du musée du Luxembourg, et l’État montre une volonté de constituer une collection avec de nombreux achats. Julien Le Blant sait que sa forme physique n’est pas optimale, mais il ne veut pas manquer cette occasion exceptionnelle de s’approcher du front et sa motivation est intacte.

Je ne puis rien présager car je n’ai pas l’intention de faire le zouave et si je sens que je me fatigue je rentrerai à Paris et de là à Rholan. Mais j’espère que je ne me fatiguerai pas et que l’intérêt de ce que je vais voir me fera rester au moins un mois parmi nos compatriotes qui nous défendent si bien.  (Lettre à Guiguet – Rholan, 24 août 1917)

Entre septembre et octobre 1917, sous la protection du général de Maud’Huy, Julien le Blant vit en direct les derniers épisodes de la célèbre bataille du Chemin des Dames qui a commencé le 16 avril et va se prolonger jusqu’au 24 octobre de la même année. Comme à son habitude, ses dessins sont accompagnés de notes biographiques sur les soldats croqués ainsi que de leur localisation : Couvrelles, Braisnes, Soupir …

Exposition de 1917

Il ramène de son périple de nombreuses esquisses ainsi que des lavis et des aquarelles. Le 27 décembre, le Musée du Luxembourg expose, en retard (l’expo aurait dû ouvrir le 1er décembre) 17 dessins qui seront bientôt retirés pour faire place à quelques cubistes et autres farceurs selon les propres termes de l’artiste. 

Quelques soucis d’organisation !

Une nouvelle exposition des peintres aux armées a été ouverte, hier, au musée du Luxembourg. M Le Blant, dont nous avons signalé déjà l’abondante et belle moisson rapportée du front, n’a pas pu tout exposer : on réservait une bonne place aux envois les plus invraisemblables. Néanmoins, ce que le public verra là de ce bel artiste suffira à l’édifier. Ce sont des types de la grande guerre : le général de Maud’huy fumant sa pipe, le Père Bailly, aumônier militaire ; un alpin sac au dos avec le pic montagnard, tant d’autres encore d’un faire très savant et d’un naturel absolu. M. Le Blant, qui fut autrefois le peintre des Chouans et dont le talent a été tant de fois célébré, se montre ici, comme autrefois, le peintre de la vie et de l’expression. (Le Gaulois du 29 décembre 1917)

Le général de Maud’Huy par Le Blant